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À Table ! vol.7 n°1 – Décembre 2002

À Table ! vol.7 n°1

À Table ! vol.7 n°1

Bulletin de la Table de Concertation sur la faim et le Développement social du Montréal métropolitain

Où serons-nous rendus dans cinq ans?

Parler de politique de sécurité alimentaire, c’est parler des grands choix que l’on fait pour orienter l’action. Ainsi, une politique des transports implique les choix que l’on privilégie dans le domaine des transports : va-t-on privilégier le transport en commun ou la construction de nouvelles autoroutes ?  La récente politique de l’eau du gouvernement parle également de choix à faire au sujet de l’exploitation de petits barrages privés.  Définir une politique en sécurité alimentaire réfère ainsi aux choix que nous devons prendre.

Une telle politique est complexe.  Elle comprend toutes les étapes de la production agro-alimentaire, de la transformation des aliments, de leur mise en marché, de la consommation et va jusqu’à l’aide et l’entraide alimentaire.  Nous avons pu prendre conscience de la situation globale de l’industrie agro-alimentaire au Québec.  Il nous reste à nous concentrer sur ce qui nous préoccupe plus immédiatement, c’est-à-dire nos pratiques d’aide et d’entraide alimentaire.

De façon imagée, nous pouvons nous poser la question suivante : Où voulons-nous être rendus dans cinq ans ?  Au lieu de simplement répéter les mêmes activités et ne pas forcément changer les situations comme nous l’espérons, il nous appartient d’anticiper l’avenir désiré, car cet effort nous permettra d’orienter notre présent.

Les trois tailleurs de pierre

Un conte du Moyen Âge nous parle d’un étranger qui interroge trois tailleurs de pierre: «Que faites-vous là mon ami?» demande le visiteur.  Le premier répondit: «Vous le voyez bien, je taille de la pierre!» Le second répondit: «Vous le voyez bien, je gagne la vie de ma famille!» Le troisième regarda longuement le visiteur et ce dernier nota une flamme dans son regard «Vous le voyez bien, dit-il, en pointant le mur de pierre qui s’élevait : je construis une cathédrale !»  Inutile d’ajouter que chacun avait raison, mais que le troisième voyait plus loin.

Il en est ainsi dans nos pratiques de sécurité alimentaire.  On peut,  en effet, parler de trois générations de pratiques depuis les années 80.  La première génération date la crise économique des années 80.  L’insistance porta alors sur l’aide alimentaire à fournir à des gens frappés par les changements en cours.  La deuxième génération prit conscience du contexte personnel et familial des personnes aidées et se mit à parler d’exclusion sociale, d’endettement, pour, rapidement, développer des formes d’entraide alimentaire, susceptible de combattre l’exclusion et de recréer des réseaux de solidarité.

Une troisième génération est en cours.  Elle voit mieux que la sécurité alimentaire s’inscrit dans un contexte plus large et dépend de décisions économiques, politiques et sociales de différents groupes sociaux.  D’où la nécessité de l’inscrire dans une perspective de développement social, de travailler à donner des mains au droit d’avoir les moyens de se nourrir, de développer des formes de solidarité avec le milieu pour assurer une souveraineté alimentaire pour tout le monde et de prendre sa place, comme citoyen, pour changer les situations qui maintiennent trop de gens dans la pauvreté et la faim.

Inutile de souligner que chaque génération comporte ses insistances, sa logique propre et sa légitimité.  Mais la troisième est plus inclusive et permet alors aux deux autres de tenir compte de toute la complexité de la réalité des personnes et de leur milieu.

Les efforts déployés, dans plusieurs quartiers, pour chercher des façons de travailler avec d’autres à un développement social intégré supposent une compréhension des objectifs de la troisième génération. Les efforts de concertation qui se tentent connaîtront vite l’essoufflement si les regroupements qui les portent ne visent pas clairement les objectifs impliqués.

Concrètement, considérer les personnes comme des sujets de leur vie et non comme des objets de la charité publique, comme des personnes ayant une expérience de vie et des ressources de créativité et non comme une brochette de lacunes et de problèmes, comme des citoyens et des citoyennes, qui ont pleinement droit de cité comme nous-mêmes, et non pas comme des consommateurs malheureux ou pire comme nos clients que nous ne voulons pas perdre. Tels sont les passages qui traduisent les objectifs de la troisième génération et qui pourront assurer les orientations concrètes des efforts de concertation.

Où serons-nous rendus dans cinq ans ? La question ainsi posée implique que nous voulons aller plus loin et que nous pourrons nous aider de ce que nous comprenons comme avenir possible pour orienter, déjà, notre présent.

Guy Paiement

15 décembre 2002

Un ambitieux chantier collectif

La Table s’est donnée pour objectif principal de l’année de travailler avec ses membres à développer une politique nationale de sécurité alimentaire qui reflète nos aspirations de développement social.

Mais elle pose certains postulats de départ: «La faim est le résultat d’un processus complexe de détérioration sociale, économique et politique. Pour le contrer, il faut mettre en place un autre processus qui inclura tous les acteurs impliqués.

Au niveau gouvernemental, un tel processus suppose la collaboration des ministères qui, actuellement, fonctionnent en « silos » et ne voient pas les conséquences sociales de leurs politiques respectives.

Au niveau de la société civile, le processus devrait impliquer tous les agents qui participent à l’industrie bioalimentaire, des producteurs aux détaillants. Une attention spéciale doit être apportée au monde scolaire et au monde municipal à cause de leur participation importante.

Au niveau des groupes de première et de deuxième ligne, l’effort pour examiner leurs pratiques doit s’inspirer de l’éthique reconnue en santé, notamment le principe de ne pas nuire, et des orientations de la Table, en particulier celle de favoriser la dignité des personnes, celle des arrimages nécessaires entre différents groupes pour assurer un développement social et celle de développer la responsabilité citoyenne pour en arriver à changer le cours des choses.»

Préparée par les travaux d’un comité organisateur mis sur pied par le CA et par les travaux d’autres comités, cette démarche se déroule en plusieurs rencontres-étapes où les organismes se penchent sur un aspect ou un autre de cette politique et l’enrichissent de leurs expériences, de leurs réflexions et de leurs échanges.

Déjà sont à l’œuvre un comité sur l’innocuité alimentaire, un autre sur le développement social et les nouveaux arrivants, un troisième sur la souveraineté alimentaire en milieu scolaire et un autre sur les concertations locales et le développement des milieux. D’autres comités sont envisagés pour la préparation de cette politique, soit un comité sur les banques et les comptoirs alimentaires, un autre sur l’aide directe aux personnes fragilisées, un autre sur les liens avec les producteurs et un dernier sur les pratiques d’éducation citoyenne.

Tous ces comités orientent leur réflexion sur la préparation du colloque, afin d’offrir aux participants un canevas de réflexion basé sur l’analyse de certaines pratiques communautaires.

Pour ne pas multiplier les réunions, les rencontres à venir de ces comités pourraient se tenir durant les assemblées régulières de la Table, chaque comité travaillant à identifier le sens actuel des interventions dans le champ étudié, leurs conséquences sur les personnes rejointes et le sens à donner aux interventions futures pour atteindre nos objectifs de développement social. Chacun des comités devrait ainsi formuler 2 ou 3 propositions d’action à discuter au colloque.

Déjà, deux assemblées ont porté sur  l’historique du concept de sécurité alimentaire et sur les enjeux du développement agro-alimentaire. Une troisième rencontre couvrira la distribution alimentaire au Québec. Une quatrième analysera le rôle du municipal dans cette politique de sécurité alimentaire. Une cinquième assemblée portera sur la sécurité alimentaire en milieu scolaire.

Le tout culminera dans un colloque les 12 et 13 juin 2003 où plusieurs acteurs sociaux concernés par le sujet seront invités à partager le fruit de notre processus.

Parallèlement à cette démarche, nous inviterons les autres concertations communautaires régionales en sécurité alimentaire et les institutions intéressées à enrichir le sujet de leurs propres travaux.

Les grands enjeux du développement agro-alimentaire

Exposé de M. Pierre Jobin, agronome travaillant à l’Union des producteurs agricoles, section Développement international, lors de la rencontre de la Table du 18 novembre 2002. Propos résumés par Jean-Paul Faniel

Historique du développement agricole

Dès le début du siècle, on s’est rendu compte au Québec que notre climat et la plupart de nos sols ne nous permettaient pas de développer de grandes cultures maraîchères ou céréalières en dehors de la zone proche de Montréal, mais nous offraient de grandes possibilités en fourrage et en culture d’élevage. On a donc développé dès ce moment-là, avec l’aide du gouvernement, la production laitière.

Depuis cinquante ans cependant, l’agriculture a bien changé. Avant la dernière guerre (1939-45), on parlait au Québec d’une agriculture de subsistance. Il s’agissait d’une agriculture ni mécanisée, ni motorisée, mais par traction animale, sans électricité, peu tournée vers le marché. On pourrait facilement comparer cette époque pas si lointaine avec la situation actuelle de plusieurs paysans pauvres du tiers-monde. Une ferme familiale de ce temps comportait environ cinq vaches, douze cochons, un peu de pommes de terre, un peu de céréales, un peu de lin pour les besoins de subsistance de sa famille et le troc avec ses voisins.

En production laitière, on s’est peu à peu mécanisé, concentré, spécialisé. Progressivement, on est ainsi passé à 15-20 vaches pour nous permettre de vendre du lait et rentrer dans la production de marché. Un peu partout, jusqu’en 1970 environ, on continuait cependant à garder en parallèle de ce début d’agriculture de marché, une vocation de subsistance, avec jardin potager familial pour nourrir la famille et pour payer en nature les services qu’on se rendait entre voisins ou corps de métier.

Notons que cette évolution a été voulue et organisée. L’Union catholique des cultivateurs (UCC), l’ancêtre de l’Union des producteurs agricoles (UPA), est née au début du siècle justement pour regrouper les agriculteurs du Québec et leur permettre d’avoir les moyens de se développer comme secteur agricole.

À force de pressions politiques, en 1936, on a réussi à faire voter à l’assemblée nationale la loi sur le Crédit agricole qui a permis aux agriculteurs d’avoir accès à des fonds pour développer leur entreprise. Il faut comprendre qu’à l’époque, l’argent des grands trusts financiers n’était disponible que pour ceux qui pouvaient offrir des garanties solides de remboursement, c’est-à-dire les plus riches.

En 1945, deuxième grande victoire du milieu rural et des producteurs agricoles: on vote, après un long combat, la loi sur l’électrification rurale. Elle sera un autre grand facteur de développement de l’agriculture québécoise. Même si ce n’était pas rentable économiquement parlant pour la compagnie qui contrôlait alors l’électricité, la Light and Power corporation, on avançait que la rentabilité sociale devait être prise en considération et on a eu gain de cause au parlement.

Finalement, en 1956, après dix ans de lutte, on vote une loi extrêmement importante pour le milieu, la loi sur la mise en marché des produits agricoles. Celle-ci permet de faire contrepoids à la loi informelle dite du coyote qui avait court alors et qui a toujours court dans certains pays comme le Salvador. Celle-ci consistait à être totalement soumis au marchand de lait qui, seul négociant du coin, marchandait à l’unité cette denrée périssable et imposait des prix ridicules aux agriculteurs qui n’avaient pas le choix d’accepter. La nouvelle loi permettait le regroupement des agriculteurs face à l’acheteur pour négocier un prix unique pour tous les producteurs, quel que soit leur lieu de production. Ce prix était établi pour assurer la viabilité de l’entreprise.

Les années qui ont suivi ont été des années de prospérité pour tous les secteurs économiques au Québec. Le secteur agricole a joui lui aussi de cette prospérité durant les 35 dernières années en se développant suivant cette logique commerciale, voire maintenant industrielle. En très peu de temps, on est ainsi passé du paysan en agriculture de subsistance au gestionnaire d’entreprise agricole dans une économie de marché. Les fermes sont maintenant beaucoup plus grosses, beaucoup plus efficaces d’un point de vue technologique et économique, et sont inscrites dans un marché beaucoup plus vaste.

Pour accentuer ce type de développement, on crée en 1967 la Commission royale d’enquête qui établit un nouveau contrat social entre le secteur agricole et la société en y injectant des moyens pour en faire un secteur économiquement rentable pour le Québec et pour que les fermes puissent se développer. Ainsi, on met en place une loi sur l’assurance-récolte.

La première réalité à laquelle un agriculteur est confronté, c’est le climat. Or, au Québec, le climat n’est pas facile et, à ce chapitre, il y a beaucoup d’aléas qu’on ne contrôle pas. S’il y a de la grêle, une gelée de printemps trop tardive, un gel trop hâtif à l’automne, en 1 ou 2 heures, on peut perdre toute la production de l’année. C’est une angoisse qui fait partie du quotidien de tout producteur agricole. L’assurance-agricole, c’est le moyen que les producteurs se sont donnés collectivement avec l’État pour faire face à cette réalité.

Au-delà des difficultés climatiques, les producteurs agricoles font aussi face aux instabilités du marché. En effet, les prix des denrées agricoles sur le marché montent ou descendent selon les fluctuations de l’offre et de la demande et selon des transactions heureuses ou non sur les grandes places financières. Malgré cela, le producteur doit continuer à payer mois après mois les gros emprunts qu’il a dû faire pour les investissements sur sa ferme. Aussi, en 1975, sous la pression du monde agricole, l’assemblée nationale a voté la loi sur l’assurance-stabilisation qui permet aux producteurs agricoles de rencontrer leurs dettes. Les producteurs de certaines denrées contribuent à cette assurance, tout comme l’État.

En 1978, une autre loi est votée, celle sur la protection du territoire agricole qui protège les terres agricoles de l’expansion urbaine. En effet, les terres arables qui constituent à peine 2% du territoire québécois se situent presque toutes en périphérie des zones urbaines et industrielles du sud du Québec qui, elles, à cause de la démographie galopante ne cessent de s’étendre à leur détriment. Il fallait contrer cet empiètement constant qui mettait en péril l’agriculture dans ses fondements même. On s’est donc outiller en votant cette loi sur la protection du territoire agricole pour maintenir les terres arables en vocation agricole.

Sous la poussée de la logique de marché visant à juste titre la rentabilité de la production agricole, on s’est peu à peu embarqué dans la conquête des marchés extérieurs pour écouler les produits que l’on produisait avec de plus en plus d’efficacité. En 1988, on s’est donné de nouveaux outils légaux pour faciliter cette conquête des marchés. On est ainsi entré dans une tout autre aire de développement où la logique de nourrir le territoire fait alors place à la logique de la production intensive pour s’accaparer des parts du marché mondial de l’alimentation.

Toute la notion de souveraineté alimentaire est ici remise en question. Pour la définir, on a avancé au Ministère de l’agriculture la notion de balance commerciale. Selon cette approche, nous atteignons la souveraineté alimentaire lorsque nous exportons autant de denrées que nous en importons. Avec la conquête des marchés, nous en arrivons maintenant à exporter plus que ce qu’on importe. Où cela s’arrêtera-t’il ? Car, ça engendre un coût environnemental et social qui se traduit par une remise en question du pacte social entre le monde agricole et le reste de la société, pacte qui visait à se donner les moyens de s’alimenter chez nous.

On assiste alors à des affrontements entre producteurs et résidants du territoire rural, ces derniers subissant de plus en plus les contrecoups environnementaux de cette production intensive. Les producteurs agricoles se font donc voter en 1996 une loi pour leur garantir le droit de produire sur le territoire agricole. Mais le feu couve dorénavant entre eux et le reste de la société. Et il faudra trouver des solutions qui obligeront à revoir les choses autrement. On y reviendra.

Portrait du milieu agricole québécois

Avant cela, complétons le tableau du monde agricole. De 1941 à maintenant, le nombre de fermes a diminué de façon drastique au Québec, passant de 155 000 fermes à 31000 actuellement. En même temps, développement urbain oblige, la superficie totale des fermes est passée de 7 310 000 hectares à 3 460 000 hectares, sur lesquelles on produit encore plus qu’avant. (Un hectare correspond à 100 mètres par 100 mètres) La population agricole, elle, passait durant ce temps de 839 000 (25.2% de la population québécoise) à 155 000 personnes (2%). Ainsi, sous la logique du gestionnaire d’entreprise et de l’augmentation de sa productivité et de sa rentabilité, le passage de l’agriculture de subsistance à l’agriculture de marché s’est traduit par une concentration accélérée de la production agricole.

Cela veut aussi dire que la population québécoise, en l’espace de trois générations, perd de plus en plus contact avec les producteurs de son alimentation.

Autrefois, il était courant en milieu francophone d’avoir encore un oncle fermier. Ce n’est plus le cas. Une distance grandissante s’établit entre les producteurs agricoles et les consommateurs et cela a des conséquences dont on devra tenir compte dans les solutions à avancer.

Autre élément de compréhension du milieu agricole, on compare souvent la superficie moyenne des fermes québécoises (96 hectares) avec celles du Canada (260 hectares) et celle des États-Unis (plus de 350 hectares) et on en conclut qu’on n’est pas si gros qu’on le dénonce. C’est vrai, mais est-ce la bonne approche de se comparer au pire. Ne devrait-on pas essayer plutôt d’identifier le type d’agriculture qui convienne à nos besoins avec le meilleur coût économique, social et environnemental ?

Autre information, le ratio producteur/ consommateur. Aujourd’hui 1 producteur nourrit en moyenne 300 consommateurs, alors qu’en 1950, le même producteur en nourrissait 50. On produit donc beaucoup plus à l’hectare, avec de moins en moins de main d’œuvre, pour nourrir de plus en plus de gens qui sont de plus en plus éloignés. De plus, malgré la diminution du nombre de fermes, 50% des fermes produisent 90% de la production agricole. Les plus grosses (26% des fermes) produisent même 70% de la production. C’est dire la grosseur de certaines fermes qui sont devenues de véritables industries agricoles. Et le phénomène continue. La production ne baisse pas, mais le nombre de fermes qui la produisent ne cesse de diminuer.

Contradictions ainsi engendrées

Des contradictions sont cependant apparues lorsque nous avons commencé à parler de développement durable. Dans les années 80, des préoccupations environnementales et sociales viennent renverser la seule logique économiste du développement agricole. Certains considèrent alors que l’économie, c’est plus que l’économisme et que ça comprend la gestion des biens. Lorsqu’on parle de développement durable, on se rend compte que les biens, c’est plus vaste que la seule denrée que l’on met en marché. Et que ça comprend l’environnement et les humains. La FAO affirme ainsi que « l’agriculture durable doit préserver la terre, l’eau et les ressources végétales et animales, ne pas dé-

a) Contradictions en environnement

Au Québec, la conquête des marchés agricoles s’est faite principalement avec le porc, les bovins et, jusqu’à un certain point, avec le maïs. Cependant, cela a laissé des traces importantes sur la ressource eau-air-sol. On parle de perte de la biodiversité et des pratiques agricoles au profit de la rentabilité. Le monde rural étant maintenant composé de 10% d’agriculteurs, les autres 90% subissent eux aussi cette dégradation du milieu. Pour eux, l’usage des plans d’eau à des fins récréatives est ainsi affecté et ils réagissent en exigeant des changements. Les coûts économiques reliés à cette dégradation seraient selon certaines estimations de l’ordre de 300 à 500 millions $ par année, mais ils sont refilés aux générations futures.

b) Contradictions sur la ferme

Autre contradiction de taille, la marge bénéficiaire des agriculteurs est en réduction constante. Cela veut dire que le producteur fait de moins en moins d’argent malgré qu’il grossit et qu’il produit de plus en plus. Cela impose une logique incontournable : il faut grossir encore plus, d’où la tendance lourde à la concentration des entreprises agricoles, à la capitalisation, à la spécialisation et à la technologisation. Ainsi, si on veut grossir, il faut acheter un nouveau tracteur, mais ce faisant, il faut aussi acheter plus de vaches pour produire plus de lait pour payer le nouveau tracteur. Mais vu qu’on a plus de vaches, il faut faire plus de fourrage. Pour ce faire, il faut acheter d’autres terres. La terre coûte cher. Il faut trouver d’autres sources de revenu pour payer ces terres.

c) Contradictions chez le consommateur

La première préoccupation du consommateur moyen au Québec, c’est beau, bon, pas cher. Les grandes chaîne alimentaires, Loblaws, Sobey’s et Métro-Riche-lieu, qui contrôlent 80% de la distribution alimentaire au Québec, ont compris cette logique. Ils achètent donc de très gros volume de denrées auprès des producteurs pouvant leur fournir ces gros volumes.

Conséquence, le petit producteur qui faisait affaire auparavant avec la petite épicerie est déclassé. À moins qu’il se regroupe avec d’autres producteurs comme lui et qu’ils proposent ensemble un prix compétitif au prix des très gros producteurs, il restera pris avec sa production ou devra la vendre en dessous de son prix de revient. C’est la logique qui domine actuellement certains secteurs alimentaires comme les fruits et légumes. La solution pour les petits producteurs réside dans des alternatives à construire en oubliant ce système qui ne sert plus que les gros producteurs.

Au Paraguay et au Salvador, où je travaille, on arrive à la même situation et aux mêmes conclusions. C’est curieux comme un même système de production agricole et de mise en marché en arrive aux mêmes résultats, quel que soit le pays.

La deuxième contradiction du consommateur, c’est sa peur des pesticides, des engrais chimiques et de la technologie génétique en alimentation. En effet, sans ces intervenants, les aliments produits n’auraient pas la même apparence et ne coûteraient pas aussi bon marché.

Dans certains milieux, on critique aussi la mondialisation des marchés, notamment du marché alimentaire. Plus spécifiquement, on critique l’industrie porcine qui a un impact négatif sur l’environnement et qui affecte de plus en plus de résidants du monde rural. Mais, par ailleurs, on continue d’acheter le porc ainsi produit, parce que c’est vendu pas cher.

d) Contradictions au niveau de l’État

On peut convenir ensemble que la croissance d’une société est un plus pour celle-ci. Cependant, la croissance dans un seul domaine sans tenir compte d’autres aspects importants du savoir vivre ensemble, c’est une catastrophe. L’exemple du milieu agricole est à cet égard éloquent. L’État qui soutient cette croissance, mais qui a aussi pour responsabilité d’assurer un certain équilibre dans ce développement, a donc un rôle important à jouer pour que tous y trouvent leur compte, les producteurs, les consommateurs, les générations futures. Et quand il ne le fait pas, il faut y voir pour lui rappeler son rôle. Il y a eu du laxisme de sa part face aux préoccupations environnementales et sociales. Et, actuellement, cela engendre des conflits que l’État est obligé de gérer. L’exemple le plus connu est évidemment l’industrie porcine qui, avec ce soutien de l’État, exporte 60% de sa production en polluant l’environnement de tous ses concitoyens avec son surplus de lisier.

Un autre exemple, l’assurance stabilisation des revenus, qui avait pour but, avec raison, de protéger les agriculteurs contre les fluctuations des prix sur le marché. Parce que ce soutien apporté par l’État est axé essentiellement sur les volumes de production, cela a pour effet que 80% de cette aide est distribuée à seulement 20% des entreprises agricoles. Parce que c’est l’argent des contribuables qui est ici en cause, c’est à nous d’exiger de changer les règles du jeu pour que ce soit plus équitable et qu’on soutienne ceux qui en ont vraiment besoin.

Par ailleurs, sous la pression des grands organismes internationaux de régulation du marché (OMC), l’État se désengage de plus en plus du financement de l’agriculture. L’argument avancé est clair, ces subventions nuisent au libre marché. Ainsi, la gestion de l’offre du lait, qui est ici réglementée pour assurer un prix de revient équitable aux producteurs, est carrément la cible de ces pressions internationales. Dans la logique de la production tournée vers la consommation interne, ce programme de réglementation n’a apporté que des bénéfices durant plus de 20 ans aux producteurs et aux consommateurs québécois. Par contre, dans la logique du libre marché tourné vers l’exportation, c’est un anachronisme, une barrière intolérable au libre marché pour les tenants de la mondialisation.

Le modèle qu’on veut généraliser, c’est celui de la production porcine québécoise qui est essentiellement tournée vers l’exportation. On comprend que ces producteurs québécois sont pour la mondialisation, à l’encontre des producteurs de lait qui veulent garder leur protection nationale. Par contre, on souligne que tout cela est un jeu de rapport de force car, ceux qui exigent le plus le retrait du financement étatique à l’agriculture (les USA) sont les mêmes qui sont les plus subventionnés. En effet, 70% de leurs subventions provient de la  » boîte verte  » qui est une clause de protection sociale et environnementale prévue par l’OMC pour justifier ces subventions. Ainsi, le plus gros producteur de viande bovine aux USA, qui produit beaucoup plus que toute la production canadienne au complet, est un bénéficiaire de ces subventions par la boîte verte. On le voit, c’est un jeu imposé par les gros pour soumettre les plus petits producteurs à leur loi.

État de la situation

Ces contradictions mènent à des situations assez explosives. Beaucoup de gens ne veulent plus de cette situation. Les positions entre les producteurs agricoles et les autres résidants ruraux sont de plus en plus polarisées et la cohabitation est de plus en plus difficile. On est près de la violence. Or, si les agriculteurs exercent ainsi leur métier, c’est à l’intérieur d’une logique partagée par le plus grand nombre. Ça, il faut se le dire. C’est le prix à payer pour le porc pas cher, pour la pomme pas piquée, pour la carotte droite, etc. Le beau, bon, pas cher est lié à cette forme d’agriculture qui détruit l’environnement et fait fi des autres besoins humains.

Il est clair qu’il faut qu’on sorte de ces contradictions et se donner un nouveau contrat social entre l’agriculture et le reste de la société. Pour y arriver, il faut chercher à se parler entre producteurs agricoles et consommateurs sans faire de chasse aux sorcières. Il faut dépasser la condamnation et la culpabilisation et proposer des solutions où chacun y trouverait son compte. Il faut s’arrêter, réfléchir, se responsabiliser et agir. On n’a cependant pas à réinventer le bouton à quatre trous. Évitons d’enlever ce qu’il y a de bon dans ce qu’on a construit. On peut se référer à des démarches et des actions en cours sur le terrain

Les pratiques alternatives

En effet, un peu partout, plusieurs actions de résistance à la logique dominante émergent. Toutes convergent vers la tendance à réduire la chaîne de l’alimentation, à raccourcir le circuit entre le producteur et le consommateur dans une nouvelle façon de produire et de s’alimenter. Tous les intermédiaires réduisent la marge bénéficiaire des producteurs et augmentent les prix à la consommation.

Parmi ces résistances, notons l’agriculture soutenue par la communauté qu’on connaît bien à la Table grâce à l’expérience d’un de nos membres, Équiterre.

Il y a aussi l’agriculture biologique qu’on identifie souvent à l’agriculture soutenue par la communauté, mais qui s’en distancie au fur et à mesure que les grandes chaînes d’alimentation s’en accaparent. Loblaws a maintenant deux pages de bio dans sa circulaire. Est-ce une alternative? J’en doute. Ça me semble plutôt être une récupération par la logique du marché d’une production qui visait à rapprocher le producteur du consommateur.

Les marchés publics, les marchés à la ferme, l’auto-cueillette sont également d’autres alternatives en développement. Plusieurs fermiers ouvrent ainsi leur champ à l’auto-cueillette après avoir terminé leur récolte pour le marché et vendent alors à des prix ridicules ce qui reste dans les champs.

Les jardins collectifs et les jardins communautaires ouvrent d’autres perspectives prometteuses. Des expériences très intéressantes sont actuellement en cours et les possibilités sont là. En effet, il y a énormément de bonnes terres en spéculation autour de Montréal qui attendent leur prix pour du résidentiel ou de l’industriel et qui ne servent à rien. Il faut se réapproprier ces terres et les mettre à la disponibilité des citoyens.

On pense ici à l’exemple de la capitale de Cuba où 50% de la consommation alimentaire est produite ainsi en agriculture urbaine ou périurbaine. C’est évidemment un choix social, obligé dans ce dernier cas suite à l’effondrement du bloc de l’Est et à l’embargo américain. Il demeure que c’est une solution envisageable. Les terrains sont là. Cultivons-les et ouvrons le marché proche du consommateur.

Au Danemark et dans certains pays de l’Est, on a aussi expérimenté l’octroi de petits espaces urbains à des groupes de fermiers urbains pour qu’ils produisent sur ces petites parcelles. Il s’agit en fait pour les autorités de créer ces opportunités.

La production diversifiée à contrat pour des restaurants ou des groupes communautaires comme des groupes d’achats est une perspective des plus stimulantes. Plusieurs jeunes voulant se lancer en agriculture commencent à explorer cette avenue. Ils ne veulent pas s’intégrer dans un système vertical mais veulent plutôt inscrire leur production agricole dans des rapports marchands plus humains. En coupant les intermédiaires, on peut être surpris de la marge bénéficiaire qu’on peut aller chercher.

Enfin, il se développe de plus en plus une production à valeur ajoutée qui prend l’aspect de produits du terroir, parce que produits de façon originale, avec des ingrédients ou des intrants qui font du produit final un produit unique.

Conclusion

Toutes ces pratiques ont en commun de rapprocher le producteur du consommateur. C’est la voie que nous devons suivre.

Ce que je critique, c’est la seule logique économique. Il va falloir faire des choix pour que le libre marché ne décide pas seul de notre vie, de notre alimentation, de notre environnement.

La terre est toute petite. Tout ce qu’on fait ici a une répercussion sur le reste de la planète. Toutes les agricultures sont en crise, autant celles du Sud que celles du Nord. Je travaille sur un projet au Salvador. Là-bas, quel que soit la production agricole, le coût de production est toujours plus élevé que tout ce qui leur arrive par le marché mondial. Il n’y a aucune règle pour favoriser la production locale. Les agriculteurs sont aux abois. Aussi, 10 000 personnes ont-ils formé une coopérative où les uns vendent leurs œufs plus chers aux autres en échange de la garantie de leur acheter leur maïs, lui aussi plus cher que le prix du marché.

L’alternative, comme on le voit, c’est qu’il faut sortir de cette logique du marché et inventer des rapports plus étroits entre le producteur et le consommateur pour que les deux y trouvent leur intérêt.

Nous ne sommes pas seuls

J’ai fait récemment partie d’une commission itinérante à travers tout le Québec pour une agriculture durable et ce qui en ressortait, c’est que la solution réside dans le dialogue et le rapprochement entre agriculteurs et consommateurs.

Réussites de l’agriculture québécoise

1. Les conditions de vie des agriculteurs

Il y a 30 ans, les agriculteurs arrivaient difficilement à faire vivre décemment leur famille. La vie était dure sur la ferme. Aujourd’hui, grâce aux mesures de soutien mises en place, ils ont rejoint pour la plupart les conditions de vie du québécois moyen. C’était un objectif ciblé dans les années cinquante par l’UCC et l’UPA par la suite et il a été atteint. Il faut en être fier, comme les agriculteurs le sont.

2. Le maintien de la prépondérance de l’entreprise familiale

Malgré le développement de la logique de rentabilité de l’agriculture qui a amené d’autres économies à protéger l’agriculture au détriment de ceux qui la produisent dans leur ensemble, au Québec, on s’est donné pour objectif de protéger le monde agricole et on a ainsi pu maintenir le caractère familial des entreprises agricoles.

3. Aliments en quantité et de qualité

L’efficacité de la production agricole ne s’est pas encore faite au détriment de la qualité de nos produits. Bien qu’il fasse nuancer la notion de qualité pour y introduire des différenciations entre la qualité visuelle et la qualité nutritive, il faut bien se rendre à l’évidence que nos produits sont d’un standard assez bon, toute comparaison gardée.

4. Faible coût du panier d’épicerie

On a le panier d’épicerie le moins cher au monde, soit 11 à 12% du revenu/salaire moyen. On en arrive ainsi à calculer qu’après 38 jours, le contribuable canadien moyen a déjà fait assez d’argent pour se nourrir toute l’année. Cependant, on calcule également qu’après 10 jours, il a payé la part du producteur agricole. C’est une réalité qui pose cependant problème.

5. Balance commerciale positive

Depuis 1988, les grands acteurs du monde agricole et du gouvernement se concertaient dans leur effort pour atteindre la balance commerciale tel qu’expliquée plus haut. En 1999, on avait atteint l’objectif et on peut dire qu’en 2002 on est rendu dans une balance positive, c’est-à-dire que nous exportons plus que nous importons. Il y a là cependant matière à discussion sur la voie empruntée et ses aboutissements.

6. Protection de l’environnement

Pour une industrie aussi performante que la nôtre, on peut affirmer qu’elle respecte et protège les ressources et l’environnement, sauf dans certains secteurs bien précis comme, par exemple, la production porcine.

Quelques exemples de ces contradictions

Dans la majorité des productions, la tendance analysée se confirme. Ainsi, en production maraîchère, le pot de 750 ml. de cornichons, vendu 2.99$ à l’épicerie, ne rapporte à l’agriculteur que 0.30$, soit à peine 10% pour couvrir tous ses frais et se donner un revenu. En production ovine, la brebis rapporte au producteur 40.$ par année. Pour arriver à faire vivre sa famille avec un maigre 16 000.$ par année, un fermier doit donc élever 400 brebis, ce qui est un très gros troupeau et exige beaucoup de soins. Si on impose à cet agriculteur des normes environnementales augmentant sensiblement leurs frais, il fait faillite.

Si, par contre, on lui garantit que le coût environnemental sera assumé par le consommateur à raison d’un coût de 3.10$ le pot de cornichon et que le 0.11$ additionnel lui sera retourné pour payer ses frais, il sera d’accord. Après tout, il a intérêt lui aussi à préserver la ressource qui le fait vivre. Mais si on le laisse sur le libre marché sans outils de régulations des prix, ce qui lui reste, c’est sa marge bénéficiaire en réduction constante.

Dans le lait, c’est le contraire. Parce qu’on s’est donné des outils collectifs régissant le prix à la consommation (environ 1.28$ le litre), on a réussi à donner à l’agriculteur une marge bénéficiaire de 0.56$ le litre, soit 42% de marge bénéficiaire. Ça paye très bien ses coûts de production, ça paye aussi les outils collectifs que les producteurs se sont donnés pour la mise en marché. C’est une réussite. Si on se compare à l’Ontario et les États-Unis, où c’est le libre marché, la marge s’y situe respectivement à 0.38$ et à 0.34$ /le litre.

Comme on le voit, cette logique des vingt dernières années tourne sur elle-même et pousse les fermiers vers le gigantisme sans pour autant leur assurer un meilleur niveau de vie. Cela accroît fortement le niveau de stress des agriculteurs avec ce que cela veut dire comme impact sur leur santé.

Au niveau humain, cette marge bénéficiaire décroissante et cette capitalisation élevée veulent aussi dire que les fermes ne peuvent plus se transférer. Pour un jeune qui veut se lancer en agriculture, jamais une activité agricole ne pourra être assez rentable pour lui permettre de rembourser le coût d’achat d’une ferme ainsi développée. Pour lui, la seule issue est de chercher un tout autre créneau, un créneau alternatif à cette façon de se développer qui mène à ce genre d’absurdité. Ainsi, on a acquis des gains indéniables en agriculture avec la stratégie amorcée, mais on atteint maintenant le bout de cette logique avec ce que cela veut dire d’aspects pervers à corriger.

La spécialisation à outrance a aussi engendré une modification importante du lien de l’entreprise à la terre. Ainsi, en industrie porcine, à la limite, on pourrait se passer de la terre. On avait un potentiel de cultures variées d’élevage lié à notre climat. On avait quelques animaux et des cultures complémentaires pour le fourrage dans un système écologique très stable et efficace. Maintenant, quelques-uns font beaucoup de porcs, d’autres font beaucoup de maïs, et on cherche à relier ces deux réalités. C’est très difficile à gérer.

Les intégrateurs, eux, y arrivent. Ils possèdent l’ensemble de la chaîne de production agricole dans un domaine. C’est la logique de la multinationale.

Ces intégrateurs ont, par exemple, des milliers de porcs, mais aussi toute la production agricole en amont pour nourrir ces cochons et toute la filière de mise en marché en aval pour écouler leur produit.

Ce sont ces intégrateurs qui attirent les jeunes producteurs qui ne peuvent trouver le financement à la banque pour se partir. En échange d’un contrat les obligeant à acheter leur moulée, leurs produits pharmaceutiques, leurs porcelets, les intégrateurs aident financièrement ces jeunes à démarrer leur entreprise.

Actuellement, l’intégration verticale devient de plus en plus la seule façon de se lancer en production pour un jeune. On calcule qu’au Québec, sept grosses entreprises produisent ainsi 50% du porc en s’adjoignant à contrat plusieurs petits producteurs qui sont à leur service. Ces derniers ne sont plus autonomes sur « leur » ferme. Ils dépendent entièrement de l’intégrateur et n’ont rien à dire sur le produit qu’ils élèvent. Cependant, ils doivent assumer les pertes.

On revient ainsi à un système féodal de dépendance des vassaux agricoles à un maître absolu qui contrôle par contrat toute la chaîne de production d’un produit sans aucune marge de manœuvre pour les réels producteurs. Cette tendance est soutenue par l’État et, à ce titre, on est en droit de la questionner sur les effets produits.

Échanges sur la question

Propos résumés par Jean-Paul Faniel

Pour Pierre Jobin, la sécurité alimentaire passe par l’économie solidaire, soit la capacité du producteur de bien vivre de sa production et la possibilité du consommateur d’avoir accès à une nourriture de qualité et à un prix abordable pour tous. La sécurité alimentaire ne doit pas passer d’après lui par une baisse du coût payé au producteur qui mène à la non-viabilité de l’entreprise agricole, cul-de-sac déjà atteint et qu’on ne doit pas accentuer. Elle doit passer par la mise en place d’une économie qui permet à tous de se nourrir convenablement.

L’échange qui suit explore le même type de solutions qui n’opposent pas consommateurs et producteurs, mais qui, au contraire, cherchent à les rapprocher en limitant les intermédiaires entre eux.

Azzedine Achour considère que, comme groupes communautaires, nous n’avons pas les moyens de renverser à court terme la puissance des pratiques généralisées dans le monde agro-alimentaire. Si nous cherchons des pistes d’action à notre portée, nous devons susciter ou participer au débat sur la mondialisation qui a cours actuellement sous l’angle que nous connaissons, la sécurité alimentaire. Ce n’est pas négligeable, car notre possibilité d’influencer l’opinion publique peut devenir assez grande du fait que la société nous fait régulièrement confiance pour acheminer ses dons aux plus appauvris. Il considère également que l’action entreprise par les groupes d’achats, comme le Groupe Ressource, ouvre des pistes qui vont dans le sens du rapprochement évoqué entre agriculteurs et consommateurs et que la formule aurait avantage à être mieux connue et soutenue.

Mélanie Lamoureux, du SNAC, quant à elle, est surprise de découvrir par l’exposé que l’exploitation et la prise de contrôle des paysans par les grandes compagnies, ce n’est pas seulement dans le tiers-monde que ça se passe, mais que ces pratiques ont cours chez nous également. Elle découvre également que son soutien au commerce équitable pour les producteurs de café ou de cacao pourrait s’étendre aux producteurs de chez nous. À cet effet, croit-elle, un mouvement de soutien au commerce équitable des produits québécois devrait être lancé par les personnes sensibilisées au sort de ceux qui produisent ce que nous mangeons.

Louise Bergeron, du Groupe Ressource, considère que le développement d’une politique de sécurité alimentaire inclut des changements de pratique dans les achats de nos aliments. Ainsi, quand nous travaillons dans nos cuisines collectives, nos restos communautaires, nos mesures alimentaires en milieu scolaire, nos groupes d’achats, nous achetons des denrées en grande quantité. Si nous nous arrangeons pour que nos CA, nos usagers, nos membres soient éveillés aux réalités décrites dans l’exposé et aux solutions de commerce équitable et de rapprochements avec les producteurs québécois, nous ne pourrons plus continuer à acheter nos produits alimentaires sans tenir compte de leur provenance et de la façon dont on aura traité les gens qui les produisent. On ne pourra plus non plus simplement acheter le moins cher possible, si ces produits moins chers créent des faillites, du chômage et de la pauvreté chez les agriculteurs de chez nous. Il faut s’éveiller à ces réalités, identifier que nos choix de consommation impliquent des choix de société et modifier ces choix en fonction de nos convictions et aspirations à éliminer la pauvreté et à travailler à un monde meilleur.

Jean-Paul Faniel, de la Table, souligne quant à lui un volet de l’exposé qui pourrait receler une autre piste de solution à explorer. En effet, la loi sur la protection du territoire agricole permet l’achat de terres agricoles, mais en interdit le morcellement en lots pour des fins résidentielles. La loi cherche ainsi à contenir le déploiement urbain qui gruge de plus en plus les meilleures terres agricoles se trouvant presque toutes dans la vallée du Saint-Laurent et donc près des grands centres urbains. Cependant, quand ces terres sont achetées par des citadins fortunés qui les laissent en friche sans les exploiter, on n’est pas plus avancés. Le territoire agricole demeure protégé, mais l’agriculture en est exclue. Cette pratique empêche les agriculteurs de s’approprier ces terres, ce qui est très frustrant pour eux, mais aussi pour la population en général. Car cela empêche la société d’utiliser les seules bonnes terres qui restent pour produire des aliments pour nourrir la population.

À l’instar de certains pays comme la France qui protègent leur territoire de la spéculation foncière en forçant les nouveaux propriétaires à bâtir dans certains délais, peut-être devrait-on ajouter à la loi de protection des terres agricoles des mesures contraignantes forçant l’exploitation agricole sur certaines proportions de ces terres, en dedans d’un certain délais après l’achat. Si le propriétaire n’obtempérait pas, il paierait l’amende jusqu’à ce qu’il se plie à cette exigence. Cela fait partie des pistes que l’on pourrait suggérer dans une politique nationale de sécurité alimentaire.

Pierre Jobin ajoute que sur 7 millions d’hectares de terres utilisés à des fins agricoles, on est passé à 3.4 millions de terres vouées à l’agriculture, dont seulement 2 millions sont actuellement utilisées. Tout le restant est parti en friche ou a été récupéré par l’expansion urbaine et la propriété résidentielle. Cependant, si on ne peut changer ces règles du jeu frustrantes, on peut quand même essayer de les utiliser à bon escient. Ainsi, des groupes communautaires ou des agriculteurs ou les deux associés pourraient offrir à ces propriétaires-terriens de louer pour un certain temps (dix ans au moins) une partie de ces terres pour les cultiver au profit de leurs membres ou usagers.

Pour ce faire, il faut s’adresser aux individus qui sont susceptibles d’y trouver leur intérêt. Ça ne sert pas à grand chose, selon lui, de passer par les grandes institutions comme le Ministère de l’agriculture ou l’Union des producteurs agricoles qui font fonctionner le système. Pour elles, ces approches vont être vues comme des problèmes de plus. Yvon Pesant s’est battu au Ministère pour avoir un appui aux jardins collectifs sur la Rive-Sud. Le Ministère lui répondait toujours que ça ne le concernait pas.

À une question posée, Pierre Jobin répond qu’il ne possède pas de pourcentages établissant la consommation québécoise de produits québécois, mais que l’UPA ou le Ministère de l’agriculture l’a sûrement. Ce qu’il peut affirmer cependant, c’est qu’à ce chapitre, nous perdons du terrain, surtout dans les fruits et légumes. La raison en est simple. Il est plus utile aux grossistes de passer des contrats fermes d’approvisionnement échelonnés sur toute l’année avec des producteurs de l’Ontario ou des États-Unis. Or, au Québec, la production fruitière et maraîchère reste encore saisonnière, alors qu’ailleurs on peut les approvisionner à l’année.

Avec la concentration de la distribution alimentaire dans trois grandes chaînes que sont Loblaws, Sobey’s et Métro, Jean-Paul Faniel ajoute que plusieurs producteurs ont dû fermer boutique, car ils n’arrivaient pas à produire à un coût comparable aux producteurs ontariens qui approvisionnent Loblaws et Sobey’s. Ces producteurs, ajoutent Pierre Jobin, jouissent d’un climat plus clément d’environ cinq degré de plus, surtout en hiver. Cela leur coûte ainsi moins cher de pétrole pour chauffer leur production de serre. Il y a eu un boom de serre dans les années 80 car l’État offrait un coût énergétique très faible aux producteurs. Cependant, l’État s’est retiré maintenant et, à conditions comparables, il faut se rendre à l’évidence que, dans des climats plus chauds, même la serriculture coûte moins cher qu’au Québec, d’où leur coût moindre.

Irène Ranti considère que la situation n’est pas inéluctable. On peut encore influencer le cours des choses par une mobilisation politique, comme la mobilisation contre la mondialisation qu’on observe. De plus, elle prône que la Table agisse de façon active dans le rapprochement entre producteurs et groupes communautaires en sécurité alimentaire et dans le développement du commerce équitable ici même au Québec. Enfin, elle considère que l’agriculture urbaine est une avenue à explorer.

Kevin Walsh intervient pour souligner les expériences urbaines de jardinage sur les toits et leurs avantages. D’autres lui répondent que ce n’est pas aussi facile. Il faut faire appel à des ingénieurs pour tester les structures de l’édifice visé et ça coûte cher. Certains à la Direction de la santé publique de Montréal appuient cependant cette expérience.

Louise Bergeron relate l’expérience de son groupe qui a développé des liens avec des producteurs agricoles. Elle incite les groupes à faire de même en soulignant qu’il ne faut pas se résigner après un appel infructueux à l’UPA. Il faut se déplacer, en parler avec d’autres personnes et d’autres groupes. C’est par l’échange d’information de ce genre qu’on peut faire aboutir une volonté collective.

Jean-Paul Faniel rappelle que la Table a déjà mis en place un comité d’exploration des liens avec les producteurs agricoles et que plusieurs groupes étaient alors intéressés à y participer. Certes les groupes d’achats étaient du nombre, mais aussi les cuisines collectives, certains Resto communautaires, certains groupes assurant les Mesures alimentaires en milieu scolaire, les popotes roulantes et une garderie populaire qui, tous, achètent de grosses quantité de nourriture pour en faire des repas régulièrement. Le problème qu’on a rencontré fut celui de la distribution des produits de la ferme. Les groupes faisant affaire avec un grossiste avaient développé des pratiques efficaces d’approvisionnement régulier. Un seul camion leur apportait toutes leurs denrées. Les agriculteurs s’étant spécialisés dans une ou deux cultures, ils leur faudrait se regrouper pour d’abord s’équiper d’un entrepôt frigorifié permettant la conservation de leurs récoltes plus longtemps dans l’année et ensuite offrir aux groupes un service de livraison unique qui n’occasionnerait pas trop d’efforts supplémentaires de leurs groupes clients.

On le voit, le rôle du grossiste n’est pas superflu, il est utile. Se rapprocher des agriculteurs suppose l’étude concrète de ces questions et exigent des agriculteurs comme des groupes voulant faire affaire entre eux une organisation et des infrastructures à mettre en place. Ainsi, une cuisine collective de sept familles ne peut à elle seule constituer un volume d’achats lui permettant d’attirer un agriculteur qui y trouverait son compte en livrant chez elle. Il lui faut se regrouper avec d’autres pour constituer un volume d’achats lui permettant d’avoir accès à des prix de gros.

Bien que le potentiel de volume d’achats de ces groupes réunis était important, l’expérience s’est terminée faute de subvention pour assurer la coordination de cette exploration. Cependant, si la volonté de redémarrer cette exploration s’exprime de façon claire, il serait utile d’en faire une démarche collective de financement pour la faire aboutir.

Manon Paquette évoque l’exemple de Gandhi et du peuple indien qui ont réussi à arracher leur indépendance de l’empire britannique en pratiquant l’achat chez eux d’abord et en boycottant les produits britanniques et occidentaux. Elle considère que le peuple québécois pourrait faire de même pour reprendre du contrôle sur son alimentation et pour développer sa souveraineté alimentaire. Cela dépend d’une certaine éducation populaire qu’il nous reste à faire. L’achat chez nous, le commerce équitable québécois, la souveraineté alimentaire sont autant d’objectifs atteignables, si on s’y met.

Louise Bergeron est intéressée au développement de structures organisationnelles pouvant mettre en liens commerciaux les agriculteurs intéressés et les groupes acheteurs de denrées.

À cela, Pierre Jobin répond que des liens, ça se tisse d’abord avec des individus et non pas avec des superstructures déjà en place et qui répondent à des besoins pour lesquels on les a créés. Ce sont des individus qui font changer les institutions; ce ne sont pas les institutions qui changent par elles même. Les institutions ont toujours tendance à obéir à la loi de l’inertie. Pour lui, la construction d’un réseau est d’autant plus pertinente qu’elle est possible.

L’expérience d’Équiterre, qui a mis en place un réseau d’agriculture soutenu par la communauté est évoquée. Cette approche en pleine expansion répond à un besoin de certains consommateurs en tenant compte de la nécessaire rentabilité des producteurs. Mais le fait de n’offrir que des produits biologiques fait gonfler les prix à la production et à la consommation et réduit ainsi la clientèle potentielle. Cependant, la formule où les consommateurs se responsabilisent plus par rapport aux risques encourus par le producteur est une approche intéressante. Elle est cependant à contre courant de la tendance généralisée à la déresponsabilisation sociale.

À une question posée par Azzedine Achour pour savoir si un modèle d’économie solidaire entre consommateurs et producteurs existe quelque part en parallèle avec le marché officiel, Pierre Jobin répond que l’UCC et l’UPA ont été longtemps l’exemple de ce genre d’organisation. On s’est donné les moyens pour que les prix payés pour la production de lait ou d’œufs en Gaspésie soient les mêmes que ceux pour les produits de la Montérégie. Le coût du transport était payé solidairement ensemble pour que chacun soit payé en fonction de son travail. C’était et ça demeure une mise en marché basée sur la solidarité. Cette approche solidaire s’effrite cependant à l’UPA, car plusieurs producteurs agricoles ont maintenant un point de vue différent.

Irène Ranti évoque l’Union paysanne comme une organisation essayant de répondre aux mêmes enjeux évoqués ici. Certes, elle a commencé son existence en se braquant contre les excès de la production porcine, mais au fur et à mesure de son développement, elle se pose sensiblement les mêmes questions évoquées ici même aujourd’hui. On informe également l’assemblée que l’Union paysanne, section de Montréal, a rencontré deux fois la permanence de la Table pour étudier les possibles collaborations.

Thérèse Lachance souligne que l’exposé et les commentaires nous mettent devant nos propres contradictions comme consommateurs, mais aussi comme organisateurs communautaires. Elle considère que si nous voulons vraiment offrir une alternative au dépannage alimentaire, il nous faut explorer les pistes d’achats directs auprès des producteurs agricoles québécois.

Les définitions ne tombent jamais du ciel. Quand un nouveau mot ou une nouvelle expression voit le jour, ils viennent  d’une situation ou d’une façon de voir neuve. Il en est ainsi pour le concept de «sécurité alimentaire». Certains croient, à tort,  que cette expression  n’est qu’une nouvelle façon, plus politiquement correcte, de parler de la faim. On verra  que les choses ne sont pas si simples. Pour nous retrouver, qu’il suffise  de refaire le parcours que cette expression a suivi depuis son apparition en 1974, lors de la Conférence mondiale sur la nourriture.

1. La crise du système russe et la gestion des ressources.

Plusieurs pays avaient été traumatisés par la faillite des récoltes en Russie en 1972. On craignait alors que l’ensemble du système alimentaire mondial ne devienne hors contrôle. La FAO organisa une conférence internationale à laquelle 75 pays participèrent. Elle voulait élaborer une stratégie internationale pour éliminer la pauvreté, la malnutrition et la faim. Comme solution globale, on encouragea la constitution de stocks de nourriture, auxquels les populations affamées pourraient avoir recours. D’où l’insistance sur l’accès des pays à ces stocks, quand la disette ou la famine sévissaient, ce qui signifiait une aide internationale importante.

Faut-il s’en étonner, la Conférence connut des résultats très mitigés, en partie à cause de la division entre l’est et l’ouest et l’absence de volonté politique des grands pays  producteurs de nourriture d’aborder les défauts structuraux du marché international. Retenons ici que le contexte d’origine de la sécurité alimentaire était d’abord politique  et que l’accès à la nourriture signifiait des accords bilatéraux ou internationaux.

2. La montée de la Banque mondiale et la privatisation de l’accès.

Dans les années suivantes, la banque mondiale géra de plus en plus les subventions aux divers gouvernements  des pays en développement et imposa sa philosophie du libre marché. Pour permettre une pénétration la plus grande possible des pays sous-développés par les grands producteurs de nourriture, il  fallait que les États plus pauvres oublient un peu leur souveraineté et s’occupent d’abord du bien de leur population affamée. Cette utilisation du bien individuel des personnes devint l’argument-massue pour légitimer la mainmise des pays pauvres par la Banque mondiale et les grandes compagnies vendeuses de nourriture. D’où une insistance de plus en plus fréquente sur l’accès des individus à la nourriture. On gommait ainsi la provenance des stocks,  les chambardements introduits dans la production locale, l’érosion des coutumes et de la culture locale, l’endettement des gouvernements et les détournements de fonds par des élites locales ou par l’armée au pouvoir.

En restituant ce contexte économique et politique mondial, on peut lire différemment la définition que l’institution bancaire donna de la sécurité alimentaire en 1996: celle-ci supposait, en effet, «l’accès de tout individu à tout moment à une nourriture suffisante et équilibrée nécessaire pour mener une vie saine et active».

3. La famine en Afrique et l’irruption de la culture

La famine qui frappa l’Afrique en 1994-1995 servit de déclencheur pour passer d’une perspective qui s’en tenait à la seule nourriture à une autre qui voulait intégrer la façon de vivre des populations et leur façons culturelles de gérer leur avenir. A titre d’exemple, des chercheurs furent frappés par le fait que des paysans africains acceptaient de supporter la faim dont ils souffraient, plutôt que de tuer le seul animal qui leur restait. Dans l’esprit de ces derniers, cet animal signifiait la capacité de durer dans l’avenir. Ils privilégiaient donc le long terme plutôt que le présent immédiat. Cette incidence des structures culturelles des populations montra la relativité des critères occidentaux de la faim et permit l’ajout de cette dimension dans la définition toujours en cours d’élaboration.

Cette capacité de considérer une durée de vie assez longue amena des chercheurs à identifier trois types de familles : celles qui se débrouillent et se bricolent une certaine sécurité alimentaire, celles qui accusent le choc du manque de nourriture mais qui sont capables, grâce à leurs réseaux sociaux, de rebondir rapidement et, enfin, les familles fragiles, qui deviennent de plus en plus insécures à mesure que les chocs se multiplient. On devine que des approches différentes devront être utilisées pour tenir compte de ces différences mais l’essentiel demeure ici de souligner l’importance de situer les gens dans une durée longue et de comprendre leur projet de vie, ce qui a trait à leur culture et au sens que celle-ci confère aux défis de tous les jours.

4. L’importation du concept au Québec

C’est en 1992, lors du colloque à Québec de l’Association canadienne de la Journée mondiale de l’alimentation, que le concept de sécurité alimentaire fit son entrée. En 1996, l’ordre des diététistes du Québec prit position dans le même sens. Je ne crois pas diminuer le mérite des préoccupations de ces spécialistes en soulignant que leur intérêt professionnel a coloré le concept. On a ainsi ajouté l’information alimentaire «qui permet des choix alimentaires éclairés » et qui contribuent ainsi à une plus grande « qualité nutritionnelle du régime» alimentaire. Ces éléments allaient renforcer la perspective individualisante et l’insécurité alimentaire allait, de plus en plus, comporter une perspective psychologique, semblable à une forme plus ou moins forte de détresse psychologique.

Le département de la Santé publique de Montréal-centre situa les divers éléments dans un cadre dit écologique, qui voulait intégrer les expériences communautaires en cours, en y ajoutant les aspects relevés dans d’autres milieux canadiens, dont l’importance du transport, la création de milieux favorables ou les pressions pour des politiques de développement social. De cette façon, nous aurions, en bout de piste, un cadre général de référence où «la multiplicité des cibles d’interventions, des milieux et des stratégies « doivent » être mis ensemble pour le développement de la sécurité alimentaire.

Une seule action, quelle que soit sa portée, n’assurera jamais la sécurité alimentaire. Elle doit être jugée par rapport à la présence des autres éléments. Le développement de la sécurité alimentaire est évolutif, dépendant des besoins d’un milieu ou d’un groupe de personnes; il ne peut s’inscrire que dans un programme ouvert, non dogmatique».

Inutile de souligner le sens de la complexité que cette prise de position comporte. Elle apporte cependant avec elle une sorte de relativité qui ne laisse pas beaucoup de place à des choix politiques. Quand on sait que l’État peut, par ses politiques, détruire les efforts accumulés par des groupes et des milieux, il y a place pour questionner l’État et lui demander d’arrimer ses divers ministères pour que la société puisse connaître un haut degré de souveraineté alimentaire.

Les expériences vécues par plusieurs pays du tiers-monde sont, à ce chapitre, assez éclairantes. Perdre sa souveraineté alimentaire signifie, pour un pays, se mettre sous la domination économique et politique d’un autre ou encore sous la coupe des multinationales de l’alimentation.

Toute une série de rencontres internationales, depuis celle du Mexique en 1996 jusqu’à celle de Porte Alegre, en 2001, ont insisté sur la dimension proprement politique de la sécurité alimentaire. L’accès à la nourriture ne suffit pas. On insiste aussi sur la priorité accordée à la production locale, la mise sur pied d’une véritable politique de l’emploi, le contrôle de la qualité des produits importés et l’acceptation, par l’OMC, d’une clause sociale.

Si l’on tient compte de notre société, il est clair que laisser les forces du marché ou les initiatives des couches fortunées décider de la sécurité alimentaire aboutira tôt ou tard à deux catégories de citoyens: ceux qui auront les moyens de se payer des aliments biologiques certifiés et ceux qui devront se contenter de ce que les grandes chaînes auront décidé pour eux, que ces aliments comportent des OGM ou d’autres substances dangereuses. En bout de ligne, les plus fragiles seront soutenus par la générosité des compagnies qui leur déverseront les surplus invendables, sans que l’on tienne compte du coût que doit alors payer le citoyen dont la dignité et éventuellement la santé ne seront plus respectées.

De plus, cette approche dite écologique ne fait aucune place aux effets pervers qui sont induits par les diverses pratiques publiques ou privées. Ainsi, les conséquences sociales des petits déjeuners aux enfants de milieu scolaire n’ont jamais été relevées ni évaluées. De même la pertinence d’un revenu minimum garanti pour permettre aux personnes d’assurer leur alimentation n’a pas encore été envisagée par le gouvernement ou les spécialistes de la bonne alimentation.

Tout se passe comme si le droit d’avoir les moyens de se nourrir était en passe de devenir le droit, pour les plus faibles de notre société, d’être nourris à peu de frais, le gouvernement voyant même là une «redistribution des richesses sans intervention gouvernementale.»

Ajoutons la situation précaire des petits producteurs qui ne semblent pas peser très lourd devant les décisions du gouvernement de soutenir les efforts à l’exportation des grands producteurs alimentaires et la conception du développement qui est ici en cause et qui n’est pas encore ébranlée.

5. La sécurité alimentaire programmée

Mais les faits font souvent bon marché des théories, fussent-elles “écologiques”. Les événements récents entourant l’octroi de plusieurs millions pour développer la sécurité alimentaire en sont une bonne illustration.

Sous prétexte de laisser les collectivités locales décider de projets innovateurs, les diverses Régies régionales de la santé deviennent, dans les faits, les programmeurs de la sécurité alimentaire. Les projets devront, en effet, répondre à des critères décidés sans les groupes impliqués. Ils devront comporter une durabilité et une perspective intersectorielle incontournables, ce qui demande du temps. Les fonds suivront-ils ? Aucune idée. Nous sommes devant une fuite en avant qui sent l’opportunisme politique et qui a peu de chances de survie.

Rien, il fallait s’y attendre, n’a été dit sur les efforts de concertation interministériels. Rien sur les conséquences sociales des fonds donnés à des gens d’affaire pour mettre sur pied des petits déjeuners dans les écoles. Rien sur les limites et éventuellement les orientations des banques alimentaires qui pourraient, en principe, se restreindre aux situations d’urgence.

En somme, alors que la sécurité alimentaire pouvait devenir une responsabilité conjointe des intervenants gouvernementaux et des groupes de la société civile, on assiste à une opération qui pue l’improvisation, la manie de tout encadrer, la naïveté de forcer la concertation sans se demander où on veut aller.

Le vieil esprit politique d’hier reprend ici du service, révélant son allergie à choisir un autre développement, plus solidaire. Tant il est vrai qu’un “cadre de références” n’est pas encore une stratégie d’action et que la concertation n’est jamais un objectif, mais un moyen. Seuls des choix vraiment débattus, à tous les niveaux, nous permettront d’aller ailleurs. C’est une telle politique qui nous intéresse, et le courage qui l’accompagne.

Effet multiplicateur en Outaouais

La Table de concertation sur la faim et le développement social de l’Outaouais s’intéresse vivement à la démarche que nous avons amorcée pour élaborer une politique nationale de sécurité alimentaire. Non seulement a-t-elle participé aux deux premières rencontres à cet effet, mais elle se sert des documents produits à ces rencontres pour relancer les sujets avec leur groupes en région.

Un regroupement membre de la Table du Montréal métropolitain fait de même avec ses organismes membres. Il s’agit de la Table de concertation des ressources alimentaires de Laval.

Ces initiatives démontrent non seulement la pertinence de la démarche amorcée, mais encore plus les possibilités multiplicatrices que chaque regroupement local pourrait développer à partir de la démarche initiale. Nous apprécions et encourageons de telles initiatives et offrons à chaque concertation locale intéressée notre collaboration dans leur travail de réflexion.

Le Collectif québécois pour l’équité des rabais en alimentation

La pétition, adressée aux chaînes d’alimentation et à laquelle plusieurs d’entre nous ont grandement contribué, va bon train. Elle a été envoyée à plus de 900 organismes au début du mois d’octobre 2002. La réponse est impressionnante. Chaque jour des feuilles remplies de signatures arrivent par dizaines. À ce jour, le Collectif a recueilli plus de 10 000 signatures.

En outre, saviez-vous que le Collectif avait formulé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse? Nous leur avons signalé le manque de spéciaux dans les circulaires des chaînes d’alimentation au début du mois. Après un an d’attente, la Commission nous a informés qu’elle procèderait à une enquête sur le sujet.

Ça mijote au Regroupement des cuisines collectives du Québec

Le RCCQ vous invite à visiter son nouveau site web à l’adresse suivante “www.rccq.org”. Ce site comprend de l’information sur le RCCQ et les cuisines collectives, des communiqués, des statistiques, une bibliographie, la liste des cuisines collectives en région et j’en passe. La version anglaise est en partie disponible et sera finalisée d’ici la fin de l’année.

Par ailleurs, la Journée nationale des cuisines collectives, le 26 mars, arrive à grand pas. Les cuisines collectives du Québec mijotent de belles activités de sensibilisation et de visibilité. Surveillez ce grand jour, nous dévoilerons qui sont les porte-parole du mouvement des cuisines collectives.

Enfin, l’Assemblée générale annuelle du RCCQ aura lieu les 4 et 5 juin prochains. Elle se tiendra à Saint-Ferdinand, dans les Bois-Francs. Ce sera l’occasion d’amorcer une réflexion sur l’autonomie alimentaire.

Vous pouvez nous rejoindre au (514) 529-3448. Nouvelle adresse électronique : info@rccq.org

Moisson Montréal planifie

Dans le but d’identifier les actions prometteuses et de faire les meilleurs choix, Moisson Montréal effectue actuellement une démarche de réflexion et de planification stratégique de sa mission.

Le processus de planification stratégique, en cours depuis l’automne 2002, implique la réévaluation des orientations de l’organisme, de son fonctionnement et de son implication communautaire et sociale. Il se réalise avec l’appui professionnel d’une équipe de consultants de la firme Olive Communication. Enfin, il vise concrètement l’élaboration d’un plan de développement triennal à mettre en œuvre au plus tard en 2004.

Se déroulant essentiellement sous un angle de prospection, la démarche comprend un diagnostic interne ainsi qu’une vaste consultation, avec entrevues individuelles et groupes de discussion, des principaux partenaires et de représentants de la communauté environnante : bailleurs de fonds, organismes desservis, fournisseurs agroalimentaires, associations et regroupements proches, autres moissons et éventuellement banques alimentaires étrangères.

L’identification des besoins et des attentes, la connaissance des perceptions du milieu, l’évaluation des objectifs, des ressources et des moyens font partie de la réflexion entreprise par Moisson Montréal afin de mieux redéfinir sa vision et son rôle dans la société. En ultime instance, il s’agit de savoir comment et selon quelles dimensions la banque alimentaire pourra agir pleinement en faveur de la sécurité alimentaire et de l’élimination de la pauvreté dans le Grand Montréal, et ce, en étroite synergie avec les groupes communautaires, les autres partenaires et la communauté environnante.

Nouveaux membres de la Table depuis janvier 2002

* Entraide Léo-Théoret (Centre-Sud)

* Groupe de recherche sur la résurgence de la pauvreté de masse (U.de M.)

* Table ronde de Saint-Léonard

* Justice et foi Plateau Mont-Royal

* Resto-Vie (Ouest de l’île)

* Éco-Initiatives Notre-Dame de Grâce

Concertations de quartier membres

* Action concertée pour la sécurité alimentaire à Pointe-Saint-Charles

* Ressource Action Alimentation Parc Extension

* Solidarité Ahuntsic

* Table de concertation sur la faim NDG

* Table ronde de Saint-Léonard

* Alimentation Saint-Michel

* Coalition Petite Bourgogne, QES

* Mercier-Est, QES

* Regroupement des organismes contre l’appauvrissement (RdP)

* Table d’alimentation Villeray

* Table de concertation des ressources d’aide alimentaire de Laval

Le jardinage collectif, une pratique florissante

Depuis 1997 des projets de jardinage collectif à vocation sociale ont démarré dans au moins huit quartiers de Montréal.  Souvent portés par des concertations locales en sécurité alimentaire, ces projets représentent une nouvelle alternative d’entraide alimentaire, donnant aux gens les moyens de cultiver eux-mêmes des légumes frais, et du même coup d’en manger plus! L’organisation collective du travail rend le jardinage facile et agréable, favorise la création de liens et fait des jardins des espaces où chacun peut prendre conscience de sa contribution unique au groupe et à la communauté.

Pour les groupes voulant démarrer un projet de jardinage collectif, une formation est disponible portant sur la mission et la raison d’être du projet, la mobilisation et le développement de partenariats dans le milieu, sur l’animation des groupes de jardinage et sur les techniques de base en jardinage biologique.  Cette formation, intitulée Au cœur de notre quartier, un jardin collectif bien animé,  fut donnée à une douzaine de groupes à l’été 2002.  L’année 2003 en verra les suites sous forme d’un Guide de démarrage et d’animation d’un jardin collectif .

Se rendant compte qu’il se développe des jardins collectifs avec des objectifs semblables ailleurs au Québec, plusieurs groupes porteurs ont identifié le besoin de se regrouper pour partager ressources et connaissances, se donner des orientations communes, et unir notre voix pour promouvoir le jardinage collectif à vocation sociale.  Un comité travaille à établir les contacts entre projets des quatre coins du Québec dans le but d’organiser une journée de rencontre et de réflexion à l’automne de 2003.

Si votre groupe ou votre concertation a un projet de jardin collectif, vous pouvez contacter Éco-initiatives pour informations et soutien ou pour demander de suivre la formation (484-0223). Vous pouvez également vous y procurer un exemplaires du vidéo Cultiver la solidarité, qui présente le jardinage collectif parmi d’autres pratiques d’agriculture urbaine à vocation sociale.

Pour un contrôle des OGM

Sans le savoir, vous avez déjà consommé des OGM, car plus de 60% des produits disponibles sur les rayons des supermarchés en renferment. En effet, plusieurs préparations d’aliments transformés contiennent du maïs, du soja ou du canola génétiquement modifiés, sans que cela soit indiqué sur l’emballage.

C’est que l’industrie agro-alimentaire ne tient pas à ce qu’on sache qu’elle s’est lancée tête baissée dans une expérience risquée contre laquelle de nombreux scientifiques du monde entier nous mettent en garde. Déjà, en l’an 2000, 16% des surfaces cultivées dans le monde étaient transgéniques, notamment une bonne partie de la production de soja, de maïs et de colza.

Cette façon de faire rappelle un épisode malheureux de la recherche scientifique. En 1947, le professeur Muller reçut le prix Nobel pour la mise au point du DDT, ce pesticide dont on apprendra 20 ans plus tard   l’ampleur des effets nocifs sur la santé et l’environnement. On l’interdira évidemment, mais le mal était fait.

La notion de prudence en matière de recherche scientifique devrait être la règle. Mais les sommes colossales investies poussent les compagnies commanditaires à faire fi de cette règle pour au plus vite rentabiliser leur investissement.

Pour civiliser cette pratique, plusieurs individus et groupes pressent leur pays d’agir et de légiférer en la matière. Le problème, c’est que la culture transgénique ne reconnaît pas les frontières humaines. Ainsi, au Mexique, on est au prise avec une contamination par des OGM en provenance des USA qui menace l’intégrité génétique et la diversité de centaines de variétés locales de maïs.

Alertés, 135 pays se sont penchés en 1999 en Colombie, sur cette réalité en cherchant à y trouver des solutions. Il en est résulté le protocole de Carthagène.

Bien des gens connaissent le protocole de Kyoto qui vise à limiter les gaz à effet de serre, mais bien peu connaissent ce protocole de Carthagène. Il vise à encadrer la manipulation des organismes génétiquement modifiés (OGM) afin de mieux informer le public sur ce qu’il mange et à assurer la protection de la société quant aux risques potentiels pour la santé et l’environnement. Devant la résistance de notre gouvernement à ratifier ce protocole, une coalition d’organismes, le Réseau québécois contre les OGM, a été formée chez nous pour faire pression sur lui.

Déjà 36 pays ont des lois qui rendent obligatoire l’étiquetage des aliments génétiquement modifiés. De plus, 39 pays ont ratifié l’accord de Carthagène, mais il en faut 50 pour que le protocole entre en vigueur. Le Canada fait partie, comme les USA, des gros producteurs d’OGM. Cela explique sa réticence à encadrer la production et le commerce des produits visés, à étudier les effets des OGM sur la santé et l’environnement et à ratifier cet accord international.

Déjà, en 2000, puis en 2001, on s’en rappelle, le gouvernement libéral avait défait de justesse trois projets de loi qui aurait imposé l’étiquetage obligatoire des aliments transgéniques au Canada.

En octobre 2002, le député du Bloc québécois, Bernard Bigras, déposait à la Chambre des communes une motion parlementaire (M-239) demandant à nouveau au gouvernement fédéral de ratifier le protocole de Carthagène sur la biosécurité. Cette motion sera débattue vraisemblablement vers le 21 février 2003.

Pour que la motion soit votée, il est nécessaire que la population se fasse entendre. Aussi, nous vous encourageons à soutenir cette motion en renvoyant sans frais au bureau du député Bernard Bigras à Ottawa le formulaire rempli que nous joignons au présent bulletin (729-5342).

Jean-Paul Faniel, à partir du site de GreenPeace et du dépliant de Bernard Bigras

Une première nord-américaine

Il y a de quoi se réjouir ! Le 13 décembre dernier, l’Assemblée nationale adoptait la loi 112 visant la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale.

Bien que cette loi ne corresponde pas à celle du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté à laquelle nous avons travaillé depuis plusieurs années, il faut reconnaître qu’elle s’en inspire et que les modifications apportées en fin de parcours en font un document sur lequel nous pouvons tabler pour poursuivre notre travail.

Nous jugerons de l’arbre à ses fruits, notamment à son plan d’action qui suivra sous peu. Mais soulignons que la loi 112 promet d’ores et déjà l’amélioration des revenus des personnes appauvries. Elle se donne d’ailleurs les prochains dix ans pour atteindre l’objectif de faire du Québec une des sociétés industrialisées comptant le moins de pauvreté.

La loi instaure également le principe d’une prestation minimale intouchable à l’aide sociale, sans toutefois garantir que ce minimum couvrira les besoins essentiels.

La loi reconnaît en outre le respect des avoirs des personnes prestataires de l’aide sociale et “inscrit comme un de ses buts le respect et la protection de la dignité” des personnes appauvries. Elle reconnaît que celles-ci “sont les premières à agir pour s’en sortir” et affirme à cet égard la responsabilité de la société à les soutenir.

De plus, en écho au mémoire déposé par la Table et d’autres en commission parlementaire demandant d’ajouter une politique nationale de sécurité alimentaire au projet de loi, les législateurs y ont inscrit un objectif “d’accès, en toute dignité, à un approvisionnement alimentaire suffisant et nutritif, à un coût raisonnable, de même qu’à une information simple et fiable qui permette (aux citoyens appauvris) de faire des choix alimentaires éclairés.”

On reconnaît dans cette formulation l’approche de la Direction de la santé publique de Montréal Centre, approche qui cible simplement l’accès aux ressources alimentaires. On est loin des demandes de la Table qui proposent un objectif de contrôle collectif et individuel de notre alimentation et ce, autant pour les personnes en situation d’urgence, pour celles en situation encore fragile que pour la population en général.

Il y a lieu cependant de souligner ces éléments nouveaux et déterminants : à partir de maintenant, l’État reconnaît que la pauvreté n’est pas inéluctable. De plus, il se reconnaît, par une loi, des responsabilités en matière de sécurité alimentaire et, plus globalement, de lutte à la pauvreté. Historiquement, ce sont là des pas importants que notre collectivité vient de franchir et il faut se féliciter du travail que nous avons accompli pour y arriver.

Certes, dans l’application de cette loi, il nous faudra être extrêmement vigilant pour nous assurer que la redistribution promise de la richesse collective réponde réellement aux attentes suscitées. Les forces conservatrices gardent encore tout leur pouvoir d’influence et il serait étonnant qu’elles ne s’en servent pas au moment de passer à l’action.

Nous avons maintenant un outil de plus dans notre chantier de développement des personnes et de leur milieu. À nous maintenant d’apprendre à bien nous en servir pour continuer à construire la société à laquelle nous aspirons.

Jean-Paul Faniel

Retrouvez également le Bulletin À Table ! vol.3 n°1 – Mars 1999 

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