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Gouverner pour le bien commun ou pour les biens de quelques-uns, Magdouda Outgit, Directrice de la Maison de quartier Villeray

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Fatima, 42 ans, est mère de trois enfants, dont un encore adolescent. Elle est employée d’un groupe communautaire et gagne donc un petit salaire qui l’oblige à remettre en question son budget familial en ces temps d’inflation sans limite.

D’abord ses habitudes alimentaires : fini le couscous, car la semoule de blé est inabordable et l’huile est passé de 18. $ le 6 litres à 54.$. On réduit la viande, les fruits, les fromages et les poissons d’une fois par semaine à une fois par mois. Elle achète tout en solde et constate que les marchands ont réduit les quantités dans les contenants. Ses déjeuners se résument en des rôtis à chaque matin, alors qu’elle avait l’habitude de varier ses menus. Elle se payait le resto de temps en temps ; plus question maintenant. Elle ne va plus au cinéma et a coupé dans les frais de loisirs de ses enfants (soccer).

Pas besoin d’ajouter qu’elle ne prend plus l’auto que pour faire les courses ; fini les balades à la campagne, l’essence est hors de prix. De plus, elle qui économisait pour aller visiter sa famille en Algérie, ne peut plus se payer une telle dépense. Elle a d’ailleurs dû renoncer à se rendre aux obsèques de son père.

Son confrère, salarié comme elle, gagne 300$ par semaine. Avec si peu de revenu lui aussi magasine ses aliments et cours les spéciaux. Évidemment, comme bénévole de temps à autre, il peut compter sur les repas offerts à faible coût par la Maison de quartier Villeray. Témoin de la recrudescence des demandes d’aide alimentaire, Il aimerait que le communautaire soit mieux financé, mais il sait que cela n’augmentera pas la quantité d’aliments donnés par Moisson Montréal, qui ne peut répondre qu’à 70% des demandes. Ses fournisseurs ont atteint leurs limites d’aliments invendus.

Il a reçu lui aussi le chèque de 500. $ du gouvernement Legault, mais ça fait longtemps que l’inflation l’a réduit à néant et il sait qu’il en sera de même pour un éventuel autre chèque si l’État récidive avant les élections. Ce n’est pas ça qui va lui permettre d’absorber les hausses de prix régulières que nous prédisent les experts économistes pour les deux prochaines années.

De plus, vu que les gens de la classe moyenne, les salariés, vont restreindre leurs dépenses pour se concentrer sur leurs besoins essentiels, l’économie va s’en ressentir à un moment donné et la récession nous guette. D’ailleurs, selon un économiste reconnu, ces chèques gouvernementaux risquent de nourrir les hausses de prix, les marchands ne seront pas porté à réduire leur prix vu que l’État fournit aux gens les moyens de les payer.

On en a parlé dans notre groupe communautaire. La solution qui freinerait un tant soit peu le coût de la vie, c’est que le gouvernement passe une loi pour encadrer, voire freiner les futures hausses de prix, des aliments du moins. Ça n’a pas de bon sens que les actionnaires des grandes chaines d’aliments comme Loblaws fassent 40% de plus de profits que l’an dernier, alors que tous se serrent la ceinture.

D’ailleurs, pourquoi c’est le marché privé qui décide seul de l’accessibilité aux aliments alors qu’il s’agit d’un besoin de survie. L’État doit se mêler de ça, comme il le fait pour tant d’autres besoins essentiels comme l’électricité, la santé, l’éducation et le transport. Il doit adopter une loi établissant des règles restrictives aux opérateurs du système alimentaire sur les prix de certains aliments de base produits ici pour permettre à tous de manger à leur faim. C’est une question de choix de priorités : gouverner pour le bien commun, plutôt que pour les biens de quelques-uns.

 

Magdouda Outgit

Directrice de la Maison de quartier Villeray

 

Retrouvez également la lettre de Simon Ambeault, Directeur général du Carrefour populaire Saint-Michel : « On mange ce que les épiceries veulent qu’on mange »

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