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Conférence de Jean-Paul Faniel  pour le colloque du 4 juin 2009 du CLD Roussillon

La sécurité alimentaire en temps de crise : Oser faire plus et autrement

Mesdames, Messieurs,

Bonjour,

Je suis ici pour vous entretenir de la faim et de la pauvreté tel que vécues chez nous en ces temps de crise, pour vous présenter mon point de vue sur leurs causes et pour vous transmettre ma vision des interventions les plus susceptibles d’aider réellement les pauvres à s’en sortir.

Si on m’a demandé de m’adresser à vous sur ces sujets, c’est que ma fonction me place au carrefour d’expériences diverses, qu’elle me mandate à soutenir la réflexion collective sur leur efficacité et qu’elle me fournit ainsi une formidable expertise de premières mains que j’ai pour mission de partager avec le plus grand nombre. Je suis en effet le coordonnateur de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, un regroupement de près de 70 organismes et concertations qui œuvrent dans la grande région de Montréal sur le front le plus dramatique de la pauvreté : celui de la faim.

Plantons d’abord le contexte. À Montréal seulement, on compte plus d’un demi million de personnes qui vivent sous le seuil de faible revenu, soit près du tiers de la population. On parle évidemment ici de personnes vivant de l’aide sociale, soit 21%, mais aussi, faits troublants, de travailleurs salariés. En effet, selon une étude de l’Université de Montréal, 40% des travailleurs de la grande région montréalaise vivent sous le seuil de faible revenu. C’est effarant ! De fait, avec les nouveaux types d’emploi précaires offerts sur le marché, le vieil adage qui veut que travailler constitue une sortie de pauvreté, n’est plus vrai.

Or, vous vous en doutez bien, avec la crise financière et la crise économique que nous vivons présentement, les choses ne se sont guère améliorées pour les plus pauvres d’entre nous. Au contraire ! Car, on arrive à l’oublier, ces crises ont été précédées par une crise alimentaire qui nous a valu des émeutes dans plusieurs pays, mais dont on ne calcule l’impact chez nous que depuis quelques temps.

Description de la hausse des prix

hausse globale des produits

Ainsi, alors qu’on observait, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, une hausse de 57 % en un an du  prix des aliments à travers le monde, on observait chez nous, selon un tout récent communiqué de Statistique Canada, une hausse globale de 9.5 % de 2008 à 2009 du prix des aliments dans nos épiceries.

Certains économistes jovialistes nous disent de ne pas trop s’en faire, car cette hausse du prix des aliments est compensée par une baisse du prix du pétrole. Mais pour les gens à faible revenu, sans auto, il n’y a pas de compensation, il n’y a qu’une hausse du prix de leurs besoins essentiels difficile à gérer. Et, pour continuer dans la bonne humeur, la Banque mondiale prévoit que les prix resteront élevés pendant encore au moins deux ans, avant de se modérer légèrement. Sourions, la vie est belle !

hausse marquée de certains produits de base

Toujours selon Statistique Canada, les augmentations les plus marquées des aliments ont été observées pour les légumes frais (+26,5 %), dont notamment une hausse de +54,9 % du prix des pommes de terre, les fruits frais (+19,3 %) et les produits céréaliers (+11,0 %). Des hausses de prix ont aussi été observées dans le cas des poissons (9%), des produits de boulangerie (+8,8 %) et de la viande (+7,6 %).

Or, ces hausses s’additionnent aux hausses précédentes. En effet, de 2006 à 2008, on avait déjà observé des hausses marquées au Québec du prix de certains aliments de base comme le pain (20%), le riz (28%), les pâtes (72%) et la farine (63%). À l’inverse, les œufs, le beurre ou le lait frais sont restés relativement stables en raison du contingentement de ces produits au Canada par l’établissement de plans conjoints.

C’est dire l’impact que de telles hausses répétées peuvent avoir sur la vie des personnes appauvries qui n’ont aucune marge de manœuvre budgétaire pour y faire face.

Impact sur la vie des personnes appauvries

Le panier alimentaire de base

Et, de fait, dans un tel contexte de récession, comment font-ils pour se nourrir sainement ? Pour y répondre, le Dispensaire Diététique de Montréal a établi, depuis 1922, le « Panier à provisions nutritif » : il s’agit en fait de la liste des aliments requis pour satisfaire, à moindre coût, les besoins alimentaires de base de tout individu selon les recommandations du guide alimentaire canadien. Ce panier type est actualisé régulièrement pour tenir compte des dernières recommandations des nutritionnistes et de l’évolution du marché, grâce à des vérifications qui sont opérées tous les quatre mois dans trois magasins différents.

Ainsi, en 2009, une personne seule, qui souhaite manger sainement selon les recommandations du panier nutritif, doit débourser un minimum de 8.29$ par jour pour se nourrir, et ce, sans faire aucun excès, soit 248.76 par mois. Pour une famille de quatre personnes, étant donné les économies d’échelle, cela représente 6,91$ par jour et par personne, soit 207.30$ par mois.

Regardons maintenant le revenu disponible des personnes appauvries pour se procurer ce panier à provisions nutritif, après en avoir déduit les frais incompressibles que sont le loyer, l’électricité, le téléphone et le transport.

Le budget d’une personne seule sur la sécurité du revenu

Les prestations d’une personne seule sur la sécurité du revenu étaient en 2008 de 575.$ par mois, soit 6 900.$ par année, pour celle désignée comme apte au travail, et de 610.$ par mois, soit 7 322.$ par année pour les non-aptes.

Or, les loyers dans la région de Montréal ont eux aussi subi des hausses importantes depuis quelques années et se situent maintenant à au moins 500.$ pour un 3 ½  et à facilement 400.$ pour un 2 ½. Les tarifs d’électricité grimpent régulièrement eux aussi pour se situer à environ 50.$ par mois pour un petit ménage chauffé au mazout et à 80$ pour un ménage chauffé à l’électricité. Les prix planchers du téléphone se situent mensuellement à 35.$ et ceux du transport en commun à 68.50$ par mois pour la CAM.

Les limites à pouvoir budgéter

Un bref calcul nous permet donc de constater qu’avec les 575.$ ou 610.$ par mois de la sécurité du revenu, une personne ne peut se payer que le loyer d’un 2 ½, son électricité et son téléphone. Point ! Il ne lui reste alors qu’à peine 70.$ par mois pour se nourrir, se vêtir, se déplacer et se soigner. On est loin du 248.$ pour le seul panier à provisions nutritif  prévu par le DDM. Et il ne faut surtout pas que surviennent des imprévus comme le réfrigérateur qui casse, car acheté de seconde main, un rendez-vous chez le dentiste ou une nouvelle paire de lunette.

Aussi, bien que constitué d’aliments de base peu coûteux, le Panier à provisions nutritif du DDM, considéré comme le strict minimum pour assurer la sécurité alimentaire, restent ainsi inaccessible pour plus de 20% des Montréalais1 ! Pour ces gens, en fait, on a beau vouloir se faire un budget pour mieux économiser, encore faut-il avoir quelque chose à budgéter.

Ainsi obligés de comprimer leurs dépenses dans les seuls items compressibles, les personnes placées dans une telle situation de précarité extrême coupent alors dans la nourriture et les médicaments. Une étude a d’ailleurs démontré que 24% des canadiens mangent moins parce que la nourriture est devenue trop chère pour ce qui leur reste de budget. Plusieurs d’entre eux se tournent donc vers les banques alimentaires pour boucler leur fin de mois. En 2008, la fréquentation des banques alimentaires a ainsi bondi de 10%, allant même jusqu’à 50% certains mois. On le voit, pour les plus pauvres, le problème, ce n’est pas la crise actuelle, c’est la crise perpétuelle qu’ils vivent au jour le jour, aggravée par la crise actuelle.

Ce régime de restrictions n’est cependant pas sans conséquence. Plusieurs recherches ont démontré qu’une telle façon de survivre en coupant continuellement dans des besoins aussi essentiels que la nourriture et les soins de santé a des impacts parfois très graves sur la vie de ces personnes et sur leur environnement social.

Observons d’abord les impacts sur la santé physique

Ce lien entre la pauvreté et la santé physique n’est plus à démontrer. Il est reconnu scientifiquement. Selon le rapport 2007 sur l’état de santé de la population du Québec révélé par le directeur national de la Santé publique, le Dr. Alain Poirier, «la pauvreté cause des dommages qui se comparent à ceux des maladies de l’appareil circulatoire. On estime de plus que les inégalités de revenus sont responsables de 20 % des années potentielles de vie perdues, contre 17 % pour les maladies cardio-vasculaires. Le niveau socioéconomique est d’ailleurs le principal déterminant de la maladie et d’une vie de piètre qualité. De plus, 20 % des coûts des services de santé au Canada sont attribuables à la pauvreté et aux inégalités de santé qui en découlent ».

À titre d’illustration, voici quelques autres éléments tirés de ce rapport. Si je porte ici à votre attention l’impact de la pauvreté particulièrement sur les jeunes, c’est que l’enfance est une période cruciale durant laquelle un état persistant de pauvreté aura des conséquences qui dureront toute la vie, même si leur niveau de vie s’améliore.

Ainsi,

  • Naître pauvre entraîne un risque plus élevé d’avoir un poids insuffisant à la naissance, de souffrir de problèmes d’asthme ou d’otites, de faire de l’embonpoint dès l’âge de six ans ou d’avoir une mauvaise santé dentaire;
  • Chez les moins de 18 ans, les taux de mortalité du groupe le plus défavorisé sont près de trois fois plus élevés chez les garçons, et près de deux fois plus élevés chez les filles, que ceux observés dans le groupe le plus favorisé;
  • Les enfants et les jeunes des familles pauvres courent également un plus grand risque d’être hospitalisés. Ainsi, si tous les jeunes affichaient les mêmes taux d’hospitalisation que les plus favorisés, on compterait chaque année 13 500 hospitalisations de moins;

D’autres recherches démontrent également un lien direct entre la malbouffe chez les plus pauvres et leur piètre état de santé. Ainsi, on observe chez ces populations un taux anormalement élevé de maladies cardio-vasculaires, de diabètes de type 2 et d’insuffisance rénale.

Selon une chercheuse postdoctorale de la Chaire « Approches communautaires et inégalités de santé » de l’Université de Montréal, Mme Mélanie Rock, « pendant les années 30, la plupart des personnes appauvries étaient maigres. De nos jours, on constate que, de plus en plus en Amérique du Nord et en Occident en général, les gens pauvres sont souvent de taille corpulente, voire obèse. »

Cela est dû à un manque d’activités physiques et à une alimentation riche en calories, présente principalement dans les aliments frits offerts par la restauration rapide, mais aussi dans les aliments transformés offerts en épicerie qui sont saturés de gras, de sucre et de sel et dont se nourrissent souvent les personnes pauvres car ils sont bourratifs et à bon marché.

Ces aliments, soit dit en passant, sont ceux qui ont subi une des plus faibles hausses de leur coût dans l’actuelle crise alimentaire. Une bouteille de 2 litres de Coke se vend toujours autour de 1.70.$, alors qu’un 2 litres de lait se détaille autour de 3.35.$. Pour une famille sans le sou, le choix se fait souvent ainsi, à l’aune du portefeuille.

Mais revenons à l’étude de Mme Rock. Au Québec, 700 000 personnes sont atteintes du diabète. Ceci veut dire qu’environ une personne sur quinze est atteinte du diabète de type 2, maladie fort handicapante. Les chiffres font peur. D’habitude, cette maladie s’installe après l’âge de quarante-cinq ans, mais de plus en plus, on la retrouve chez les jeunes adultes, les adolescents, et même les enfants de moins de 10 ans.

Perdurant jusqu’à la fin de la vie de la personne, ce diabète est associé à une espérance de vie plus courte et à des « complications », comme la perte de la vision et de la fonction rénale. Cette pandémie du diabète de type 2 représente un effet pervers du « progrès » apporté par la modernité, un effet qui touche d’une façon beaucoup plus prononcée les gens pauvres.

Mais la pauvreté et la faim ont également des impacts sur la santé mentale

Le rapport 2007 sur l’état de santé des québécois révèle en effet que le taux d’hospitalisation pour troubles mentaux des garçons des milieux les plus défavorisés est de 127 % plus élevé que celui des garçons des milieux les plus favorisés, l’écart étant de 37 % chez les filles;

De plus, une autre étude faite en Gaspésie par une spécialiste des pratiques psychosociales à l’Université du Québec à Rimouski, Mme Linda Tremblay, démontre un lien étroit entre l’insécurité alimentaire prolongée des personnes et la détérioration de leur santé mentale, exprimée par un taux élevé de détresse psychologique ayant des conséquences importantes sur leur vie familiale et sentimentale, leur capacité à étudier ou à travailler et leurs activités sociales, ces gens ayant tendance à s’isoler.

Fait troublant, on a également noté dans cette recherche une tendance suicidaire 5.5 fois plus élevée chez ces personnes que dans la population en général, ces gens passant de fait à l’acte fatidique 11 fois plus souvent que pour l’ensemble de la population.

Impacts sociaux

Enfin, la pauvreté engendre également son lot de problèmes sociaux. Pour n’en nommer que deux, citons d’abord le stress causé par cette détresse psychologique des parents qui ne peuvent pas se nourrir et nourrir convenablement leurs enfants, par la tension entre les désirs des enfants exacerbés par la publicité et les limites budgétaires de leurs parents, par la violence verbale et physique qu’engendre souvent cette tension familiale et par les tentations de fuites de ce contexte déprimant dans l’alcool et la drogue, sans compter les cas moins répandus mais plus fréquents en milieux pauvres de délinquance juvénile, d’inceste, etc.

Or, selon le très réputé magazine The Economist qui cite des recherches récentes faites aux États-Unis, ce stress lié à la pauvreté serait une des causes importantes des retards scolaires des enfants issus de ces milieux. Plus spécifiquement, ces chercheurs ont démontré que le stress affecte la partie du cerveau qui régit la mémoire à court terme, celle qui retient les informations qui nous permettent d’apprendre à lire ou à résoudre des problèmes. C’est dire toutes les difficultés de concentration des enfants de ces milieux pour leur apprentissage académique autant à la maison qu’à l’école, difficultés multipliées par leur carence alimentaire et leur faim durant les heures de classe. C’est bien connu,  « Ventre creux n’a pas d’oreille ».

Le rapport sur la santé des québécois révèle de plus que les jeunes filles des milieux les plus défavorisés sont 17 fois plus nombreuses à devenir mères avant l’âge de 20 ans que celles des milieux les plus favorisés.

Ces problèmes sociaux sont dramatiques pour les personnes qui les vivent. Mais il existe un autre problème social dont on parle moins souvent, celui qu’engendre un nombre aussi élevé d’exclus pour la société. En marginalisant  autant de gens, n’est-ce pas la communauté dans son ensemble qui s’appauvrit d’autant de personnes qui, fortes de leurs expériences de vie et de leurs débrouillardise à chercher à surnager, pourraient mettre à contribution leurs talents et capacités, aussi enfouis soient-ils, pour remettre l’épaule à la roue et contribuer au développement social et économique de leur milieu.

Solutions économiques à y apporter et limites de ces solutions

Le tableau que je viens de vous brosser n’est pas rose, j’en conviens. Mais il reflète la réalité bien triste à laquelle nous, groupes communautaires en sécurité alimentaire, sommes confrontés à chaque jour, et ce, depuis fort longtemps. Cela nous a amené au cours de ces années à essayer différentes solutions pour aider ces personnes. Toutes ont engendré des retombées immédiates positives, mais certaines ont également rapidement démontré leurs limites. Les premières solutions qui nous viennent à l’esprit sont évidemment celles d’ordre économique.

Parlons d’abord de la hausse du revenu

Inspiré d’une valeur de justice sociale qui témoigne de notre degré de savoir vivre ensemble, les effets positifs de la hausse des prestations de base à la sécurité du revenu et de la hausse du salaire minimum ne sont plus à démontrer.

Mené par le Collectif pour un Québec sans pauvreté, ce vaste mouvement social a réussi, il y a 7 ans, à faire adopter par l’Assemblée nationale la loi 112 pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale. Celle-ci prévoit entre autres de hausser régulièrement les revenus des plus pauvres d’entre nous pour suivre l’inflation, mais l’action gouvernementale en ce domaine tarde à se matérialiser à la hauteur des ententes pourtant conclues.

Aussi, le Collectif a-t-il repris le bâton du pèlerin avec sa récente campagne « Mission collective » qui demande un revenu au moins égal à la mesure du panier de consommation, soit 13 267.$ par année pour les gens sur la sécurité du revenu et 10.16$ de l’heure pour le salaire minimum, ce qui constitue un revenu permettant une sortie de pauvreté.

Cette hausse du revenu des plus pauvres d’entre nous recèle cependant dans le contexte actuel de crise économique un autre effet positif, celui-là sur la société en général. En effet, certains économistes avancent que toute hausse de ces revenus aurait pour effet une réinjection immédiate de ces sommes dans l’économie, les gens affectés en profitant pour se procurer ce qui leur manque cruellement comme besoins essentiels. Contrairement aux baisses d’impôt pour les gens de la classe moyenne qui, eux, ont pour réflexe, dans ces temps incertains, de remettre à plus tard leurs achats moins essentiels, comme le changement de leur auto ou de leur mobilier.

Bien que déterminantes, ces hausses de revenu reposent cependant sur une vaste mobilisation populaire et sur son impact sur nos décideurs politiques. Ceux-ci, par contre, reçoivent des pressions en sens contraire de plusieurs lobbys puissants qui ont leurs entrées beaucoup plus facilement que nous au parlement.

Je reconnais toutes les retombées positives d’un tel mouvement s’il arrive à ses fins et j’y contribue activement, mais je suis également conscient de toutes les embûches que nous devrons surmonter à court terme pour y arriver. Cela ne diminue en rien notre détermination, mais elle nous oblige à envisager également d’autres avenues pour aider les gens à s’en sortir.

Les dons alimentaires

La plus connue de ces autres solutions économiques est évidemment le don alimentaire. Héritiers d’une longue tradition de charité profondément ancrée dans nos mœurs, plusieurs organismes se sont en effet donnés comme mission première de dépanner régulièrement les personnes qui ont faim. Approvisionnés ici par Moisson Rive-Sud ou par la charité des individus, ces comptoirs alimentaires font appel à une autre valeur importante dans une société aussi riche que la nôtre, la compassion.

Cependant, le don de nourriture est en grande partie tributaire des invendus des transformateurs et des distributeurs alimentaires. Or, depuis quelques temps, on observe une diminution importante de leurs transferts aux banques alimentaires. C’est que, grâce aux codes-barres implantés il y a quelques années, les entreprises alimentaires gèrent maintenant beaucoup mieux leurs stocks. Il y a moins de surplus, moins de lots non conformes ou mal étiquetés. Bref, les banques alimentaires reçoivent de moins en moins de nourriture à donner.

Cette situation d’ordre structurelle les obligera dorénavant à mieux gérer eux aussi les dons qu’ils reçoivent, à peut-être envisager une hiérarchie dans la redistribution des denrées en fonction des cas les plus lourds et à privilégier d’autres approches favorisant le développement de l’autonomie alimentaire, du moins pour une bonne partie de leur population cible.

De plus, aussi nécessaire soient-elles pour aider les gens à survivre, ces interventions d’aide directe devraient cependant se faire en tenant compte de plus en plus des effets possiblement négatifs qu’elles comportent. La recherche gaspésienne l’a démontré, les personnes bénéficiaires de l’aide alimentaire gardent un niveau d’estime de soi peu élevé et souffrent toujours, malgré cette aide directe, d’un niveau important de détresse psychologique.

Ça se comprend ! Soutenant la personne pour qu’elle surnage dans la tourmente, l’aide alimentaire la laisse toutefois seule de retour chez elle pour affronter la situation qui l’a menée à cette extrémité. L’isolement lourd et pesant devant tous ses problèmes de survie demeure le même qu’avant. La détresse reste là, inchangée. Et, de dépannage en dépannage, la personne ne voit pas la lumière au bout du tunnel.

C’est que, aussi essentielles soit-elle pour dépanner quelqu’un en difficulté temporaire, cette aide directe, si elle se prolonge dans la vie d’un individu, a tendance à le diminuer à ses propres yeux et surtout, à le confirmer dans son impuissance à solutionner des problèmes aussi élémentaires que sa survie. Elle en arrive même dans certains cas à créer chez lui une dépendance envers le don alimentaire.

Bref, si on regarde le phénomène d’un point de vue plus froid, au lieu de combattre réellement la pauvreté, le don alimentaire, à la longue, a tendance à la gérer. Cela ne veut pas dire qu’il faille abolir l’aide alimentaire, mais plutôt qu’elle comporte ses grosses limites et qu’il nous faut faire plus.

La baisse des prix constitue la troisième solution envisagée

Au-delà de la hausse du revenu ou du don alimentaire, une autre solution aux problèmes de pauvreté et de faim consiste en effet à baisser les prix des produits alimentaires. Dans ce domaine, deux grandes approches forts différentes sont ici en présence.

  • La première consiste à s’attaquer au problème à sa source, c’est-à-dire là où se fixe les prix, dans la concurrence féroce que se livrent les pays producteurs agricoles au niveau international. Actuellement, la production d’aliments est considérée par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) comme une production comme une autre et, à ce titre, elle est soumise aux lois du marché sur lesquelles l’OMC a complète juridiction. C’est ce qui l’amène à combattre toute règlementation nationale qui vise à protéger ses producteurs agricoles et ses citoyens consommateurs comme c’est le cas au Canada, dans trois domaines : le lait, la volaille et les œufs. Ces produits sont ici contingentés pour permettre aux producteurs de recevoir un revenu équitable pour leur travail et aux consommateurs de payer un prix raisonnable et relativement stable pour ces produits de base.

La Coalition pour la souveraineté alimentaire, vaste regroupement pan-canadien de puissants réseaux sociaux concernés par l’alimentation, considère au contraire que les aliments, avant d’être un bien commercial, sont d’abord un besoin essentiel et qu’ils devraient être considérés et traités comme tels. Elle vise donc, avec d’autres mouvements nationaux et internationaux, à soustraire à terme à la juridiction de l’OMC toute production agricole nationale à des fins de consommation domestique. En pareil cas, l’OMC garderait juridiction sur les transactions alimentaires internationales.

Ce changement majeur permettrait aux pays de légiférer et de protéger leur production agricole sans risquer de se faire poursuivre juridiquement par l’OMC. Nous pourrions alors étendre à d’autres produits du panier alimentaire de base le contingentement de leur production et de leur distribution, ce qui aurait pour effet de sauvegarder notre secteur agricole et de stabiliser les prix à la consommation de ces aliments.

Les retombées positives d’une telle victoire seraient d’importance, mais la bataille pour y arriver sera cependant longue et difficile. Premier obstacle, nos gouvernements. En effet, les interlocuteurs de l’OMC sont les états et non les organisations civiles. Il faut donc convaincre nos gouvernants de pousser avec nous dans le sens de ces positions de protection de notre économie agricole et du contrôle sur notre alimentation. Ce ne sera pas facile également parce que la capacité des multinationales d’influencer les états est immense et leurs moyens impressionnants.

Bien qu’ardue, cette mobilisation peut toutefois aboutir. En effet, en matière d’affrontement victorieux avec l’OMC pour lui soustraire certains pouvoirs, nous pouvons compter sur un précédent de taille : l’exception culturelle. Ainsi, il y a peu, les pays se sont entendus entre eux pour considérer la préservation des cultures de chaque pays comme prévalant sur les lois commerciales. Ils permettent donc à chacun de légiférer pour protéger sa culture contre l’envahissement de cultures économiquement plus fortes. Tablant sur ce précédent, cela nous encourage à poursuivre de l’avant. Ce qui est bon pour la culture peut l’être également pour l’agriculture.

  • La seconde approche pour baisser le prix des aliments est de moins grande envergure et plus à la portée des groupes communautaires et ses retombées immédiates pour ses adeptes sont assez déterminantes. Inspirée d’une autre valeur importante, la solidarité, elle consiste à acheter collectivement les denrées alimentaires aux mêmes prix de gros préférentiels que les grandes chaînes de distribution et les commerces de restauration.

Différentes formules d’achats groupés ont déjà vu le jour, identifions-les.

La première, historiquement parlant, fut les coopératives d’alimentation comme COOPRIX dans les années 70-80. Développée selon le modèle de coopération basé sur les parts sociales des membres, elle fonctionne avec des employés salariés et offre un service comparable aux grandes épiceries. Hormis quelques réussites en régions éloignées non desservies par les grandes chaînes de distribution, cette formule n’a pu survivre ailleurs parce qu’elle n’arrivait pas à offrir à ses employés des conditions de travail équivalentes à ces grandes chaînes, question de volumes de transactions beaucoup moins grands.

La seconde formule fut  celle des clubs de consommateurs des années 70 dont le fonctionnement était essentiellement basé sur le bénévolat. Cependant, confrontés aux mêmes difficultés que les épiceries, soit un investissement initial irrécupérable pour un inventaire constant, des pertes régulières de denrées périssables et un inventaire restreint comparé à celui des grandes chaînes, elles n’ont pas tenu le coup, les prix offerts aux membres ne valant pas l’énorme investissement de temps consenti. La formule reprend actuellement du service avec les épiceries communautaires, mais son avenir est évidemment fragile pour les mêmes raisons que je viens d’évoquer.

Une autre formule d’achats groupés a vu le jour avec les cuisines collectives dans les années 80-90. Constituée autour de groupes restreints de personnes désirant cuisiner ensemble une ou deux fois par mois, cette formule s’est développée de façon fulgurante jusqu’à maintenant en raison de sa souplesse de fonctionnement adaptée aux maigres moyens des groupes communautaires et de ses effets structurants pour leurs membres. En effet, ceux-ci achètent ensemble à chaque mois les seules denrées utiles aux plats qu’ils confectionnent et économisent surtout en cuisinant de grosses quantités de nourriture qu’ils se répartissent ensuite en portions correspondant aux membres de chaque famille participante.

Au-delà de l’économie ainsi occasionnée, le mérite principal de la formule des cuisines collectives est la recréation du tissu social éclaté et des liens de solidarité entre les participantes qui brisent ainsi leur isolement si dévastateur. Leur permettant également de se réapproprier un savoir culinaire parfois oublié ou inexistant, les cuisines collectives développent chez leurs membres une autonomie alimentaire qui fait parfois cruellement défaut dans d’autres types d’interventions.

Seule limite actuelle de cette formule, l’achat groupé n’occasionne que très rarement des rabais importants, le volume acheté par le nombre restreint des participantes étant souvent trop faible pour profiter des prix de gros associés aux achats plus imposants.

La formule des groupes d’achats coopératifs qui s’est développée autour de 1995 répond justement à cette limite. Constituée habituellement autour de vingt à 30 membres, mais parfois jusqu’à cent personnes, elle leur permet, par leur volume d’achat d’économiser jusqu’à 50% sur les fruits et légumes, 35% sur les viandes, 30% sur les fromages et poissons, etc. Elle y parvient justement grâce à un fonctionnement très léger qui réunit ses participants à chaque mois pour déterminer leurs achats mensuels. Compilée grâce à un logiciel permettant d’évaluer la somme des denrées à acheter et d’identifier les ajouts nécessaires dans chaque denrée pour profiter des prix de gros, cette formule ne laisse aucun aliment invendu dans le local une fois les redistributions bimensuelles terminées.

À l’usage, cette formule s’est cependant déclinée de façon fort différente d’un groupe d’achat à l’autre. Si certains en ont fait un simple service permettant aux participants d’économiser, d’autres se sont efforcés d’en faire le point de départ d’un réseau d’entraide, la formule des achats groupés étant justement tributaire d’une solidarité entre ses membres pour profiter des prix escomptés. Ainsi, souvent associée à des repas communautaires où chacun apporte un plat de sa confection et à des cuisines collectives où les habiletés culinaires s’échangent mutuellement, cette formule dépasse alors le simple service et permet aux gens de s’inscrire dans une dynamique d’autonomisation alimentaire et d’entraide qui peut dépasser le domaine alimentaire pour s’élargir à d’autres échanges de service comme la garde partagée ou le co-voiturage.

Une autre formule d’achats groupés s’est développée par la suite autour d’Équiterre et de ses réseaux de fermes écologiques. Principalement organisé pour que les consommateurs soutiennent les producteurs biologiques, l’Agriculture soutenue par la communauté offre aux groupes d’acheteurs des paniers constitués essentiellement des produits cultivés sur une ferme. Associés étroitement aux aléas des producteurs impliqués, le contenu de ces paniers varie cependant en fonction des récoltes et les acheteurs ne savent donc pas à l’avance ce qu’ils y trouveront. Tributaire des coûts plus élevés de la production biologique, soulignons-le, cette formule ne prétend pas s’adresser aux citoyens les plus pauvres, mais à ceux qui décident de se nourrir de façon à préserver l’équilibre écologique de leur milieu.

Une dernière formule d’achats groupés est apparue dans les années 2000. Inspirée d’une initiative provenant de Toronto intitulée Good Food Box, Bonne boîte, Bonne bouffe offre à des groupes de 15 à 20 individus trois grosseurs de paniers essentiellement de fruits et légumes à des prix forts avantageux. Organisée à Montréal par Moisson Montréal, cette formule en garde cependant un fonctionnement semblable au don alimentaire : en effet, les clients, bien qu’ils payent pour leurs paniers, ne choisissent pas ce qu’il y a dedans. De plus, dans la formule initiale, les groupes de clients ne sont organisés qu’autour de cet achat et ne constituent pas pour autant un réseau d’entraide entre eux. Pour des individus relativement autonomes, cette formule semble répondre à leur besoin immédiat d’économie.

Comme on le voit, dans les achats groupés, la ligne de démarcation, au-delà des types de fonctionnement plus ou moins lourd, se situe souvent entre les groupes qui offrent à leurs clients un simple service permettant d’économiser sur leurs achats de denrées et ceux qui partent de cette forme de solidarité économique pour aller plus loin et permettre à leurs membres de se constituer en réels réseaux citoyens d’entraide.

La pauvreté, l’aboutissement d’un processus

Le but de l’exercice que je viens de faire avec vous n’est pas en soi de faire la nomenclature exhaustive de toutes les possibilités que nous avons pour aider les pauvres à faire face à la crise actuelle. Je cherche plutôt à vous démontrer que certaines d’entre elles sont plus porteuses que d’autres d’une meilleure efficacité pour aider ces gens à se sortir réellement de cette pauvreté qui les accable.

Or, si l’on veut s’attaquer aux problèmes de fonds de cette pauvreté, il faut en comprendre les fondements. Pour cela, il nous faut poser cette question : d’où vient la pauvreté ?

  • Bien que les trajectoires de chacune des personnes pauvres aient leurs particularités incontestables, un lien semble pourtant relier la majorité d’entre elles, et c’est le fait qu’elles ont souvent vécu, tout au long de leur vie, un processus prolongé d’échecs répétés.
    • Vécues comme des échecs à répétition, nommons d’abord toutes ces frustrations continuelles de ne pouvoir se procurer tout ce que la publicité nous décrit comme les constituants du bonheur individuel. Très tôt, sauf exception, l’enfant d’un milieu pauvre est ainsi confronté à cette perception marquante pour le reste de sa vie qu’il est né pour un petit pain, comparé à d’autres qui jouissent de tous les moyens pour vivre « heureux ».
    • Échecs scolaires également provenant du stress familial évoqué plus avant, peu propice à la concentration académique et qui leur font rapidement percevoir l’école comme un autre lieu d’échecs dévalorisant, plutôt que comme un lieu d’épanouissement. D’où la propension des enfants de milieux pauvres à décrocher rapidement de l’école qui ne semble pas leur apporter l’estime de soi qui leur manque. Et d’où également les difficultés à se trouver un emploi leur permettant de mieux gagner leur vie.
    • Échecs enfin au travail, quand ils perdent leur gagne-pain parce que le type d’emploi qu’ils peuvent trouver se situe souvent dans un créneau de travail fragilisé par les aléas du marché local face à la concurrence internationale ou aux crises économiques, comme on en vit régulièrement depuis quelques années. Pensons seulement aux fermetures dans la chaussure et le vêtement et, plus récemment, dans l’industrie du bois.
  • Tous ces échecs répétés ont, à la longue, des effets déstructurants sur la personne qui les vit, car ils sont souvent perçus comme des preuves la confirmant dans son impuissance à relever des défis. D’où cette attitude souvent défaitiste que l’on rencontre chez les plus pauvres qui sont convaincus de ne pouvoir assumer telle ou telle tâche qu’on leur propose ou de ne pouvoir s’en sortir qu’en gagnant à la lotto.
  • Et le malheur, c’est que cette perception de soi d’être né pour un petit pain se transmet de génération en génération par des petites remarques, mais surtout par des attitudes engendrant ce que j’appellerais la culture de la pauvreté.

Solutions plus efficaces pour contrer la faim et à la pauvreté

Pour contrer efficacement ce processus fait d’échecs répétés qui est souvent le lot des personnes fragilisées et appauvries qui cognent à nos portes communautaires, les services à court terme et, je dirais, à courte vue, de dépannage alimentaire sont d’une portée très limitée. Pour contrer ce sentiment d’impuissance créé par tant d’échecs successifs, il faut, j’en suis convaincu, soutenir un autre processus permettant à ces gens fragilisés d’expérimenter une série de petites réussites qui leur prouveront qu’ils ont en eux les capacités de réaliser leurs objectifs et leur redonneront assez confiance en soi pour, à terme, relever à nouveau des défis plus personnels.

Ce processus, par définition, ne se fera cependant pas seul. Fragilisées par cette perception d’impuissance à changer le cours de leur vie, ces personnes ont besoin d’être accompagnée dans la redécouverte de leurs possibilités. Encouragés à prendre en charge, avec d’autres, de petites responsabilités liées aux objectifs communs du groupe, ces gens, pour peu qu’ils soient ouvertement valorisés dans leurs réussites, se convaincront peu à peu de leurs habiletés et reprendront ainsi du pouvoir sur leur vie.

Cet autre processus restera cependant fragile tant que la personne n’aura pas expérimenté assez de réussites pour se prouver à elle-même qu’elle possède, dans la collaboration avec ses pairs, le pouvoir de s’en sortir. Basé sur le rapport de confiance établi avec les intervenants, ce processus a donc besoin de stabilité dans le personnel des groupes et d’une certaine durée dans le temps pour réussir. Toutes choses qui, actuellement, fait souvent défaut dans nos groupes, les bailleurs de fonds ne subventionnant souvent que des projets d’un an et les conditions de travail précaire dans le communautaire ne permettant pas de retenir le personnel expérimenté.

Comme je vous l’ai présenté, certaines interventions communautaires sont plus susceptibles que d’autres de soutenir les gens dans cet apprentissage de leur pouvoir sur leur vie. Cela peut prendre la forme de jardins collectifs, d’apprentissage culinaire et nutritionnel en milieu scolaire ou d’approches communautaires évoquées plus avant comme les cuisines collectives et les groupes d’achats coopératifs.

Mais encore là, l’important n’est pas de retenir une formule ou une autre, car chacune d’entre elles peut être déformée par manque de volonté de s’inscrire dans ce soutien au développement des personnes. L’important est plutôt de déceler, dans ces interventions, celles qui ne se contentent pas de donner un service, mais qui y ajoutent une approche favorisant l’accompagnement des personnes dans le développement de leur potentiel.

En fait, la lutte à la pauvreté dans un pays comme le nôtre peut se résumer en trois moyens :

  • Avant tout, une hausse marquée du revenu des plus pauvres basée sur la redistribution de la richesse
  • Des services sociaux universels avec tarifs préférentiels pour les plus bas revenu, notamment par le logement social, l’alimentation en milieu scolaire, les services de garde, le transport public, etc.
  • Un réseau communautaire faisant le pari de soutenir l’organisation citoyenne et jouissant pour ce faire d’un financement équitable et durable pour accompagner les personnes appauvries dans un cheminement de reprise en main de leur vie individuelle et collective.

Il s’agit là d’un choix de société nécessitant des luttes prolongées, mais également d’un choix d’interventions auprès des citoyens les plus appauvris que devra faire le mouvement populaire.

Conditions à mettre en place

Ce choix du développement des personnes ne se fera cependant pas sans effort de notre part. Il nous faudra oser. Oser dépasser notre vision centrée sur la seule sécurité alimentaire pour adopter une approche plus globale des problèmes de société comme la pauvreté et pour prendre en compte les interrelations et l’interdépendance entre les différentes facettes du développement des personnes et de leur milieu.

Conséquemment, il nous faudra oser envisager les solutions d’un point de vue qui tienne compte des autres façons de combattre la pauvreté. Ainsi, si nous prenons en considération le prix des aliments sur le marché, il apparaîtra alors utile de travailler activement avec les groupes qui réclament la souveraineté alimentaire des peuples sur leur agriculture, pour avoir le pouvoir de légiférer sur leur production alimentaire et sur les prix à la consommation.

Si, autre exemple, nous considérons que ça n’a pas de bon sens d’essayer de joindre les deux bouts avec le peu que l’on reçoit de la Sécurité du revenu ou d’un travail à temps partiel au salaire minimum, on devra s’associer avec ceux, comme le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui réclament un barème plancher et un salaire minimum décent.

Il nous faudra aussi oser se faire une tête commune entre intervenants d’un même quartier ou d’une même région sur le développement social et économique que nous voulons pour notre milieu, vérifier la convergence de nos interventions respectives et les modifier si nécessaire pour créer une synergie capable de réellement changer les choses. À terme, après quelques sessions de formation, l’exercice devrait aboutir à développer un réseau d’organismes harmonisant chacune leurs interventions en fonction d’objectifs communs. Ce réseau d’organismes constituera également autant de passerelles que pourront emprunter les citoyens en cheminement.

Mais, pour y arriver, il nous faudra avant tout oser changer de regard sur les personnes que nous desservons. Il nous faudra envisager la solution aux problèmes d’un individu à partir de la mise en valeur de ses propres ressources et de sa participation active à l’identification des solutions à ses problèmes et au redressement de sa situation.

Pour cela, il nous faudra oser regarder nos usagers par la lorgnette de leurs capacités, de leurs compétences, de leurs habiletés et de leurs rêves, plutôt que par celle, unique, de leurs problèmes.

En clair, il nous faudra oser passer du client au citoyen.

Cette valorisation de chaque citoyen qui s’adresse à nous autour de son potentiel nous obligera enfin à oser penser le développement d’un milieu, à l’instar des expériences auxquelles vous contribuez dans le tiers monde, non plus seulement à partir de nos seules ressources d’intervenants communautaires ou institutionnels, mais à partir de réseaux de citoyens que nous soutiendrons dans leurs efforts à se reprendre en main et à reprendre en main le développement de leur coin de pays.

Concrètement, il nous faudra oser penser autrement nos interventions en mettant les citoyens concernés au cœur de nos stratégies de développement et en les impliquant à chacune des étapes de l’action afin qu’à terme, ils soient en mesure d’assumer collectivement leur propre développement et celui de leur environnement.

Le but : revenir à une société qui se fonde sur ses citoyens, leur fait confiance et trouve sa force et sa richesse collective dans la participation et les talents de tous et de toutes.

Je vous remercie de votre attention !

1 Pour plus de détails consulter le communiqué de presse du DDM, téléchargeable ici

 

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