La sécurité alimentaire, les saines habitudes de vie

 

Conférence de Jean-Paul Faniel pour la journée sur la sécurité alimentaire à Lachine, 27 octobre 2011

Je m’apprêtais à vous parler des collaborations possibles entre des fondations privées intéressées par l’alimentation et les groupes communautaires en sécurité alimentaire, quand je me suis rappelé une histoire qui donne tout son sens à mon propos :

Elle se situe au Moyen-âge. Au détour d’un chemin, un voyageur débouche sur un grand chantier de construction. Abordant trois ouvriers à l’ouvrage, il leur demande alors ce qu’ils font. Le premier avec un air agacé lui répond : « Vous le voyez bien, je taille de la pierre! ». Le second, plus avenant, lui dit : « Mon bon monsieur, je gagne ma vie et celle de ma famille! ». Le troisième, l’œil allumé, lui répond en montrant le mur de pierre derrière lui : «  Moi, monsieur, je construis une cathédrale ! » Vous l’avez compris, les trois avaient raison, mais un seul avait de la vision.

Avoir de la vision, c’est savoir où veut-on aboutir, qu’est-ce qu’on veut construire. Avoir de la vision, c’est se référer au but poursuivi et aux objectifs à se donner pour l’atteindre

La légitimité sociétale des fondations privées

En ce sens, les fondations privées en général ont des buts assez clairs. En matière de soutien alimentaire, nous connaissons tous les fondations concernées, soit, pour n’en nommer que quelques unes Centraide (qui rappelons-le est née du regroupement de plusieurs fondations privées), la Fondation Léger, Fondation McConnell, Fondation Maman Dion, Fondation Tirelire, etc. Il peut s’agir à l’origine d’une fortune personnelle ou de contributions individuelles, comme dans le cas de Centraide canalisées vers une mission précise. Mais, soyons clair! Dans tous ces cas, il s’agit dans les faits d’argent détourné de l’impôt normalement payé et canalisé vers des buts philanthropiques identifiés par un CA privé ou l’initiateur de la fondation.

Dans un monde idéal, ces personnes physiques et morales devraient tout simplement payer leurs impôts afin qu’ils servent aux politiques déterminés par les représentants élus par le peuple. On peut déplorer cela et considérer qu’il s’agit là d’un transfert au privé par l’État de ses responsabilités sociales et je crois qu’on aurait raison de penser ainsi. De là à en faire une position de principe pour se priver de ce financement, bien peu de groupes communautaires ont emprunté cette voie et on les comprend. Dans l’état actuel du financement par l’État de leur mission de base, ce serait se condamner à ne faire que le strict minimum face aux problèmes de pauvreté croissante.

Dans le cas de la Fondation Chagnon et de ses filiales Québec en forme (QEF) et Québec enfant, l’approche empruntée par cette fondation pose problème pour plusieurs groupes, soit l’imposition de ses choix au gouvernement. En effet, la Fondation Chagnon a mis comme condition de son important investissement financier l’obligation du gouvernement de supporter pour le même montant l’effort privé.

En ce sens, non seulement M. Chagnon canalise l’argent qu’il devrait payer en impôt vers ses propres choix, mais il détourne nos propres impôts vers les choix qui lui sont propres. Il renforce ainsi la conviction de plusieurs que les responsabilités sociales habituellement assumées par l’État sont de plus en plus déterminées par le privé.

Bien que nous puissions déplorer cette situation et travailler à un niveau politique à rétablir un état de droit assuré par des services publics et fondé sur une justice fiscale, en fin de compte, les choix à faire quant au financement de nos interventions en matière de soutien alimentaire sont les mêmes qu’avec les autres fondations privées : quels sont les critères que nous devons nous donner nous permettant de faire affaire avec les fondations concernées par nos interventions ?

En la matière, je vous soumets quelques pistes de réflexion.

Dans tout financement venant du gouvernement, le mouvement communautaire a toujours été confronté à deux légitimités démocratiques.

  1. D’une part, l’État, se réclamant de la légitimité électorale, nous a imposé des programmes de financement liés à des critères déterminés par sa vision politique.
  2. D’autre part, les groupes communautaires, se réclamant de la légitimité de leurs instances démocratiques, ont toujours accepté ce financement, mais ont également eu tendance à l’orienter pour répondre aux buts et objectifs de ses membres et de son CA.
  3. En ce sens, le mouvement communautaire a toujours cherché à concilier la démocratie indirecte des fonctionnaires de l’État à la démocratie directe de leurs instances. En fait, il a toujours priorisé sa propre mission et chercher à lui faire servir le financement qu’il reçoit, d’où qu’il provienne. D’où une continuelle tension entre ces deux acteurs sociaux et leurs missions respectives.

Il en va de même selon moi du rapport avec les fondations privées et plus particulièrement avec la Fondation Chagnon et ses filiales, Québec en forme et Québec enfant. Orientées vers le développement des saines habitudes de vie, comprises comme de saines habitudes physiques et de saines habitudes alimentaires, ces fondations ont fait irruption il y quelques années dans le milieu communautaire, notamment dans celui de la sécurité alimentaire. Ne tenant pas compte au départ des structures de concertation que nous nous étions donnés, elles ont d’abord cherché à nous intégrer dans les leurs. La réaction fut rapide et directe : No Way ! Respectez-nous !

Depuis, leur approche s’est modifiée sensiblement et est devenue plus respectueuse, en effet. À cet égard cependant, il nous faut rester vigilant. Chat échaudé craint l’eau froide. Reste alors la convergence entre leur but et les nôtres.

En ce sens, cela nous oblige à nous poser la question : Quel but visons-nous et quels objectifs nous donnons-nous pour l’atteindre ? Si nous faisons référence à la majorité de nos chartes, nous y trouverons comme but convergent la lutte à la pauvreté, que nous déclinons par la suite de façons différentes en objectifs plus précis selon nos champs d’intervention.

Le don alimentaire

Pour les comptoirs alimentaires, l’objectif est en fait d’assurer la survie de leurs usagers en leur procurant régulièrement des denrées alimentaires. Il s’agit là d’une approche qui répond à une valeur de compassion, valeur importante dans une société aussi riche que la nôtre.

Cependant, le don de nourriture est tributaire des invendus des transformateurs et des distributeurs alimentaires. Or, depuis quelques temps, on observe une diminution importante de leurs transferts aux banques alimentaires. C’est que, grâce aux codes-barres implantés il y a quelques années, les entreprises gèrent maintenant beaucoup mieux leurs stocks. Il y a moins de surplus, moins de lots non conformes ou mal étiquetés. Bref, les banques alimentaires reçoivent de moins en moins de nourriture à donner.

La convergence avec le développement de saines habitudes alimentaires exigé par QEF serait minimalement de s’assurer que les denrées données répondent aux critères de saine alimentation. Il y a là une limite que les comptoirs alimentaires auraient peine à rencontrer ne serait-ce que parce qu’ils sont dépendants de l’approvisionnement qu’on leur donne, qui ne couvre pas tous les éléments et tous les besoins d’une saine alimentation. De plus, on parle ici de stricte sécurité alimentaire, pas d’amélioration des habitudes alimentaires qui exige des interventions supplémentaires, notamment au niveau de l’apprentissage culinaire.

Enfin, aussi nécessaire soient-elles pour aider les gens à survivre, ces interventions laissent toutefois la personne seule, de retour chez elle, pour affronter la situation qui l’a menée à cette extrémité. L’isolement lourd et pesant devant tous ses problèmes de survie demeure le même qu’avant. La détresse reste là, inchangée. Et, de dépannage en dépannage, la personne ne voit pas la lumière au bout du tunnel.  C’est que, aussi essentielles soit-elle pour dépanner quelqu’un en difficulté, cette aide directe, si elle se prolonge dans la vie d’un individu, a tendance à le confirmer dans son impuissance à solutionner des problèmes aussi élémentaire que sa survie.

Bref, au lieu de combattre réellement la pauvreté, le don alimentaire, à la longue, a tendance à la gérer. Cela ne veut pas dire qu’il faille l’abolir, au contraire, mais plutôt qu’il comporte ses limites et qu’il nous faut faire plus.

L’apprentissage culinaire et nutritionnel

Pour dépasser les limites du don alimentaire et converger vers de meilleures habitudes alimentaires, l’apprentissage culinaire et nutritionnel constitue une valeur ajoutée importante. Cependant, avec les moyens financiers anémiques de nos usagers, cette approche souvent expérimentée ne semblent pas attirer d’emblée beaucoup de gens. Il faut y mettre des conditions préalables et un contexte favorable pour fidéliser les participantes. Une de ces conditions est d’offrir cet apprentissage en amont de la vie adulte, c’est-à-dire d’abord aux écoliers du primaire, une clientèle captive qui, expérience à l’appui, s’enthousiasme pour cette approche.

L’expérience des Ateliers Cinq épices en effet est à cet égard concluante, mais elle possède aussi ses limites quant au changement des habitudes alimentaires de cette population. Certes, en matière d’amélioration de ces habitudes, cette approche apporte un plus, en cela qu’elle favorise très tôt l’expérimentation d’une saine alimentation et procure aux jeunes les premières habiletés nécessaires à persister dans cette voie.

Cependant, ces ateliers sont offerts une fois par mois aux seuls écoliers, ainsi qu’à un petit nombre de leurs parents pouvant se libérer durant les cours. Le reste du mois, la majorité des écoliers retourne aux habitudes alimentaires de leur famille. C’est pour cela que le groupe intervenant favorise la mise en réseau des parents de ces écoliers autour de cuisines collectives, afin que la famille puisse prendre le relais de ces expérimentations culinaires.

Les cuisines collectives

Ceci m’amène à vous parler des cuisines collectives. Inspirée d’une autre valeur importante, la solidarité, cette formule a pour principal mérite de développer des réseaux citoyens d’économie et d’entraide. Elle permet ainsi à ses membres, certes d’économiser en cuisinant ensemble de grosses quantités de mets qu’elles se divisent en portions économiques selon les membres de leur famille, mais aussi de créer entre elles des liens de solidarité et de briser leur isolement. Il s’agit là d’une formule déterminante pour assurer l’amélioration des saines habitudes alimentaires, car elle leur permet de se réapproprier leur savoir culinaire, d’expérimenter possiblement de nouvelles recettes plus santé et surtout de persister dans ces nouvelles habitudes alimentaires. J’insiste sur ce dernier point car le changement d’habitude alimentaire en est un des plus difficiles à réaliser durablement.

En effet, nous naissons et nous développons dans les premières années de notre vie (les plus marquantes) dans un milieu qui impriment pour longtemps chez chacun des goûts alimentaires qui perdurent toute notre vie. Si nous avons été habitués à manger des aliments frits à chaque repas (œufs au déjeuner, viande frite au dîner et au souper), il y a de bonnes chances que la friture constitue un aspect important de notre mode de consommation, tant que nous ne sommes pas confrontés dans notre corps aux conséquences négatives sur notre santé d’une telle mauvaise habitude. Et encore… Le goût demeure et la tentation également.

Pour modifier un tel comportement avant d’arriver à en être malade, il faut tenir compte de cette réalité de l’attrait des goûts initiaux. Nous avons expérimenté (goûté) ce type d’alimentation et nous nous sommes habitués à trouver cela bon. Le réel changement durable ne peut se faire par la seule promotion d’une meilleure alimentation et de ses avantages sur notre santé. Cela est d’autant plus vrai dans les milieux pauvres où s’ajoutent aux habitudes mentionnées deux facteurs déterminants de résistance au changement alimentaire : l’incapacité de se payer une meilleure alimentation et la perte quasi généralisée des habiletés culinaires permettant de cuisiner les aliments recommandés.

Conditions à mettre en place

Face à ce constat, les organismes qui réussissent le mieux à améliorer l’alimentation de cette population sont ceux qui mettent en place les conditions nécessaires à ce changement. Or, ces conditions sont celles-ci : permettre à ces gens de vivre un processus prolongé d’expérimentation positive d’une meilleure alimentation

  • grâce à une offre régulière de sains aliments à meilleur prix (groupe d’achats, épiceries communautaires, etc.),
  • grâce également à des soupers gourmets/gourmands où les participants apprennent à cuisiner les plats qu’ils vont manger ensemble et

grâce à des cuisines collectives régulières où ils s’aideront mutuellement à cuisiner plusieurs repas congelés pour le mois).

Ces trois facteurs de réussite sont difficilement indissociables, chacun permettant d’assurer la pérennité du processus. Les bons prix constituent le facteur déterminant de la présence régulière des participants et les deux autres facteurs permettant concrètement l’expérimentation prolongée, l’appréciation et la persistance d’une meilleure alimentation.

Idéalement, comme mentionné plus tôt, le processus devrait commencer à l’école à l’intérieur et étroitement lié au cursus et à l’apprentissage académique, la population visée y étant captive et le processus scolaire garantissant la continuité dans l’apprentissage culinaire et nutritionnel. Associé à la mise en place de réseaux de parents qui s’organiseraient comme proposé plus haut, l’intervention en milieu scolaire risque d’être un coup d’épée dans l’eau, les habitudes alimentaires et la réalité économique des familles pesant de tout leur poids dans le résultat final. Au contraire, le soutien communautaire à de tels réseaux de parents, qui eux aussi expérimenteraient le changement alimentaire souhaité, assurerait que le milieu familial prendrait le relais des efforts déployés à l’école.

C’est essentiellement le message que j’ai envoyé aux agents régionaux de Québec en forme lors de la formation de deux jours que je leur ai donné en mars dernier, soit de s’inspirer de cette approche gagnante pour l’octroi de ses subventions aux groupes communautaires en veillant à ce que les projets retenus mettent en place les conditions évoquées plus haut qui assureront que l’argent investi arrivera à de réelles améliorations des habitudes alimentaires des populations ciblées.

Les achats collectifs

Cependant, les cuisines collectives possèdent elles aussi leurs limites quant aux économies qu’elles peuvent réaliser. En effet, la taille habituelle de celles-ci autour de huit à dix participantes ne leur permet d’avoir accès à des prix de gros significatifs. L’achat groupé permet justement de dépasser cette limite. En la matière, différentes formules ont vu le jour :

Parlons d’abord de la dernière en date, Bonne boîte, Bonne bouffe. Cette formule offre aux gens trois grosseurs de paniers essentiellement de fruits et légumes à des prix forts avantageux. Copiée sur les Good Food Box torontois et dérivée des paniers alimentaires donnés aux usagers, la formule de BBBB ne permet pas à ses clients de choisir leurs denrées, malgré le fait qu’ils les paient. De plus, dans la formule originale, ces usagers ne constituent pas un réseau d’entraide entre eux, les paniers étant livrés à des points de chute et les gens n’établissant pas pour autant un groupe qui se rencontrent régulièrement. Pour ce qui est des changements durables d’habitude alimentaire, il lui manque un milieu d’apprentissage culinaire et un contexte collectif favorisant la persistance dans le changement souhaité.

Une autre formule d’achats groupés a vu le jour, qui reprend essentiellement la formule des clubs de consommateurs des années 80 : les épiceries communautaires. Fonctionnant comme une épicerie, mais collectivement, elle en a les avantages collectifs au niveau des prix payés et les inconvénients, soit un déboursé initial non récupérable pour l’inventaire, des pertes régulières pour les denrées périssables et un fonctionnement basé sur le bénévolat. Cependant, pour que le changement des habitudes alimentaires s’introduise dans cette formule, il faut y ajouter des repas collectifs pour l’expérimentation d’une nouvelle alimentation et des cuisines collectives pour, là aussi, la persistance dans le changement.

La formule des groupes d’achats coopératifs permet elle à leurs membres, par leur volume d’achat, d’économiser grandement. Elle y parvient justement grâce à un fonctionnement très léger qui ne laisse aucun aliment invendu dans le local une fois les redistributions bimensuelles terminées. De plus, en matière de changements des habitudes alimentaires, elle répond au besoin de se regrouper régulièrement et, pour peu qu’elle organise en parallèle des soupers gourmands et des cuisines collectives, elle fidélise ses membres par l’économie substantielle qu’elle leur fait réaliser, leur fait expérimenter une nouvelle alimentation et les encourage à persister dans cette voie.

Comme on le voit, dans les achats groupés, la ligne de démarcation, au-delà des types de fonctionnement plus ou moins lourd, se situe souvent entre les groupes qui offrent à leurs clients un simple service permettant d’économiser sur leurs achats de denrées et ceux qui partent de cette forme de solidarité économique pour aller plus loin et permettre à leurs membres de se constituer en réseaux citoyens d’entraide.

La lutte à la faim et à la pauvreté

Mettons cependant les choses au clair. Il ne s’agit pas ici de considérer une approche meilleure qu’une autre, mais de les évaluer en fonction du but recherché. Chaque approche répond à un but et chaque but possède sa légitimité. Ainsi, si nous cherchons à aider les personnes affectées à survivre malgré leur faible revenu, l’aide alimentaire est toute désignée. Mais si nous voulons dépasser cet état des choses et soutenir les personnes dans une démarche collective leur permettant de reprendre confiance dans leur capacité à changer leur situation, d’autres formules sont alors plus appropriées, comme les cuisines collectives et les groupes d’achats coopératifs.

En fait, la lutte efficace à la faim et à la pauvreté dans un pays comme le nôtre peut se résumer en trois moyens :

  • Avant tout, une hausse marquée du revenu des plus pauvres basée sur la redistribution de la richesse collective
  • Des services sociaux universels avec tarifs préférentiels pour les plus bas revenu, notamment pour le logement social, l’alimentation en milieu scolaire, les services de garde, le transport public, etc.
  • Un réseau communautaire faisant le pari de soutenir l’organisation citoyenne et jouissant pour ce faire d’un financement équitable et durable pour accompagner les personnes appauvries dans un cheminement de reprise en main de leur vie individuelle et collective.

Il s’agit là d’un choix de société nécessitant des luttes prolongées, mais également d’un choix d’interventions auprès des citoyens les plus appauvris que devra faire le mouvement populaire. Si Québec en forme possède la latitude pour nous permette de concilier l’amélioration des habitudes alimentaires et la lutte à la pauvreté, il ne faut pas hésiter à s’y associer tout en gardant l’œil ouvert sur les buts qui sont les nôtres.

Mais ce choix ne se fera cependant pas sans effort de notre part. Il nous faudra oser. Oser dépasser notre vision centrée sur la seule sécurité alimentaire pour adopter une approche plus globale de lutte à la pauvreté. Conséquemment, il nous faudra oser envisager les solutions d’un point de vue qui tienne compte des autres façons de combattre la pauvreté.

Ainsi, si nous prenons en considération le prix des aliments sur le marché, il apparaîtra alors utile de travailler avec la Coalition pour la souveraineté alimentaire, pour faire pression sur les paliers gouvernementaux pour encadrer au niveau législatif notre production alimentaire et agir sur les prix à la consommation, plus précisément sur les denrées constituant un panier alimentaire de base.

Si nous considérons que ça n’a pas de bon sens d’essayer de joindre les deux bouts avec le peu que l’on reçoit de la Sécurité du revenu ou d’un travail à temps partiel au salaire minimum, on devra s’associer avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui réclament un barème plancher et un salaire minimum décent.

Il nous faudra aussi oser se faire une tête commune entre intervenants d’un même quartier sur le développement social et économique que nous voulons pour notre milieu, vérifier la convergence de nos interventions respectives et les modifier si nécessaire pour créer une synergie capable de réellement changer les choses. À terme, ce réseau d’organismes constituera également autant de passerelles que pourront emprunter les citoyens en cheminement.

Mais, pour y arriver, il nous faudra avant tout oser changer de regard sur les personnes. Il nous faudra envisager la solution aux problèmes des individus à partir de la mise en valeur de leurs propres ressources et de leur participation au redressement de leur situation.

Pour cela, il nous faudra oser regarder nos usagers par la lorgnette de leurs capacités, de leurs compétences, de leurs habiletés et de leurs rêves, plutôt que par celle, unique, de leurs problèmes.

En clair, il nous faudra oser passer du client au citoyen.

Cette valorisation de chaque citoyen qui s’adresse à nous autour de son potentiel nous obligera à oser penser le développement d’un milieu, non plus seulement à partir de nos seules ressources d’intervenants communautaires ou institutionnels, mais à partir de réseaux de citoyens que nous soutiendrons dans leurs efforts à se reprendre en main et à reprendre en main le développement de leur quartier et de leur société.

Concrètement, il nous faudra oser penser autrement nos interventions en mettant les citoyens concernés au cœur de nos stratégies de développement et en les impliquant à chacune des étapes de l’action afin qu’à terme, ils soient en mesure d’assumer collectivement leur propre développement et celui de leur environnement.

Dans les faits, il nous faudra enfin oser faire de cette perspective citoyenne dans nos organismes l’enjeu déterminant pour atteindre nos objectifs de lutte à la faim et à la pauvreté. En effet, à la lumière de la conjoncture actuelle où nous ne pouvons compter sur la volonté affirmée de nos gouvernements majoritaires qui n’en ont que pour leurs amis et leurs profits indécents, seul un mouvement populaire ayant retrouvé des assises citoyennes fortes pourra les forcer à nous entendre et à assumer entièrement leurs responsabilités.

Le but : revenir à une société qui se fonde sur ses citoyens, leur fait confiance et trouve sa force et sa richesse collective dans la participation et les talents de tous et de toutes.

Je vous remercie de votre attention !

 

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