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Une pédagogie du changement – Outils de transformation sociale pour une autre société… déjà à l’œuvre

On ne pense pas d’abord, pour agir ensuite.
Dès la naissance, on est immergé dans l’action
et c’est celle-ci qui requiert, pour être correctement
orientée, d’être constamment réfléchie.

Alfred North Whitehead

Retrouvez ce texte en PDF ici

Introduction

La Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal Métropolitain (TCFDSMM) travaille depuis 15 ans, de concert avec de nombreux organismes communautaires, à changer la façon dont notre société aborde le problème persistant de la faim dans un pays aussi riche que le nôtre. Contradiction scandaleuse, confirmée par de multiples  enquêtes et  recherches. Réalité tragique que celle de la faim et de l’incapacité de nourrir sainement sa famille parce qu’elle est toujours synonyme d’une forme ou l’autre de la pauvreté dont les effets portent atteinte à l’intégrité et aux droits fondamentaux de dizaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes de chez nous. Une pauvreté que les élus, hélas, n’ont pas encore décidé de faire disparaître ou même régresser de façon significative malgré l’existence d’une loi anti-pauvreté adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 2002.

Au  fil des ans cette démarche collective de réflexion, d’information et de propositions d’action construite patiemment par la Table a revêtu maintes formes: colloques, interventions publiques, publications diverses, entre autres un bulletin, des fascicules thématiques, un répertoire ainsi que des fiches illustrant différentes  pratiques neuves de développement social. Mettant à profit ses propres pratiques de changement social et souhaitant aller encore plus loin en outillant les groupes désireux d’opérer des changements dans leurs modes d’intervention contre la faim et la pauvreté, la Table a mis sur pied en 1996 un « comité de pédagogie du changement ». Non pas un comité ad hoc mais un véritable atelier où l’on penserait le changement  avec et pour les citoyens  et où on inventerait des outils pour que celui-ci soit, à chaque fois, le moteur d’actions fondatrices du monde plus humain que l’humanité espérante croit toujours possible de construire.

Mais comme le changement quasi perpétuel modèle la forme concrète de nos existences contemporaines, aborder cette question ne va pas de soi. Pourquoi s’interroger sur le processus de changement quand tout change tout le temps ? La publicité qui nous vend sans arrêt d’innombrables gadgets techniques, en les décrivant pourtant comme essentiels, a banalisé le changement dans la tête de trop de gens. La campagne électorale de 2003 en est un bel exemple : adéquistes et libéraux ne juraient que par le changement; un changement pour faire avancer qui et en faire reculer combien ? À vrai dire, le changement s’est muté en une idéologie, perverse comme toute idéologie, invisible, innommable mais qu’il faut démasquer car changer pour changer n’a jamais  engendré que lassitude, apathie et repli sur soi réussissant trop souvent « … à déposséder les hommes et les femmes du pouvoir de s’engager dans l’histoire et de transformer le monde »1. Tout le contraire de ce dont il est ici.

Le changement que le Comité propose et organise dans ce guide pédagogique est celui qui fait advenir « ce qui n’est pas encore » et qui vise à permettre à tous les humains, en commençant par les moins favorisés, d’être les acteurs de leur devenir, les artisans d’un monde plus humain et plus juste. Meilleur quoi !

Mais où en sommes-nous au juste actuellement ? Une double lame de fond agite la planète : le Marché, entre les mains des financiers, tente d’imposer sa trajectoire néolibérale comme seul vecteur du progrès tandis que les forces sociales progressistes en faveur d’une Terre pour tout le monde et d’un gouvernement mondial au service des nations mobilisent de plus en plus d’énergies et de bonnes volontés. Davos et Pôrto Alegre face à face. Inutile d’insister sur l’écart immense qu’il  reste à corriger au niveau du partage de la richesse entre le Nord et le Sud, écart dû au fait que les pays riches et développés se sont jusqu’ici accaparé des bienfaits du changement. Comme quoi les humains doivent sans cesse dépasser leur égoïsme viscéral et se questionner sur leurs façons de réaliser le progrès, surtout lorsqu’il est question de progrès social. Les acquis à ce niveau demeurent si fragiles et soumis à tant d’aléas (économiques, politiques, religieux, climatiques même) qu’ils se retrouvent souvent, et hélas rapidement, dans la colonne des pertes, avec toutes les conséquences tragiques que cela peut avoir sur la vie de  milliers, plus souvent de millions, d’êtres humains et ce, pour le plus grand malheur des générations à venir.

Au Québec, depuis la Révolution tranquille, le changement a été constant. Fort heureusement, au plan social il est reconnu que cela nous a permis de bâtir un Québec distinct et progressiste, doté de plusieurs politiques avec de belles avancées dans le domaine de la justice sociale et de l’égalité des chances pour tous. Au plan économique, les progrès ont aussi été fulgurants et nous ont propulsés dans le peloton de tête des pays industrialisés…jusqu’à ce que le phénomène de la mondialisation, de la globalisation dit-on plus justement aujourd’hui, impose ses hérauts (FMI, OMC et compagnie), ses diktats (déréglementation, privatisation, abolition des frontières) et ses guerres (Afghanistan et Irak pour ne nommer que les toutes récentes) à l’ensemble de la planète. Et le Québec n’a pas échappé aux effets pervers de cette domination du Marché car on a vu s’accroître le nombre des personnes appauvries dans nos villes et dans nos régions et ce, en dépit d’une montée en flèche et plutôt soutenue de la richesse collective et de l’emploi. Que s’est-il produit pour que le progrès social ne suive pas malgré la présence d’un gouvernement qui se disait social-démocrate et la multiplication quasi géométrique d’organismes de service, dans le parapublic et le communautaire notamment?

En dépit du discours, de nos lois et traditions, aurions-nous obéi aux seules sirènes de l’économie capitaliste ? Aurions-nous du même coup laissé la bride sur le cou au progrès matériel et « oublié » que les forces du changement, lorsqu’on veut qu’elles soient au service de l’humain, doivent être harnachées tout autant que les forces hydroélectriques ? Un domaine où le Québec ne manque pas d’expertise et dont nous aurions tout avantage à nous inspirer, non ?

Une question fondamentale mérite donc d’être posée : voulons-nous vraiment construire ensemble ici et maintenant, avec les femmes et les hommes qui nous entourent, un monde qui va faire une juste place à tous les humains de la planète et assurer aux générations futures que la terre  sera toujours leur jardin nourricier ?

D’aucuns diront que la question est superflue puisque déjà en 2001, notre gouvernement a adopté une Politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire et par la  suite voté la loi 112 qui engage le Québec à se classer rapidement parmi les pays où il y aura le moins de pauvreté dans le monde. La première législation ne place-t-elle pas « au centre du renouvellement des pratiques sociales » les organismes communautaires dont la mission est de « donner la parole et les outils pour s’organiser, aux personnes que la pauvreté ou l’oppression réduit trop souvent au silence ou à l’impuissance »2 ? À moins que ce soit les groupes communautaires eux-mêmes qui aient choisi d’interpréter différemment leur mission première ou encore que celle-ci n’ait pu être transmise d’une génération à l’autre…

Ces deux mesures récentes ont sûrement valeur de témoignage : comme société, nous avons répondu à notre façon à la question ci-dessus. Et cette réponse implique  le développement d’une économie vraiment au service des humains, donc capable d’établir un partage effectif de la richesse produite, l’accès pour tous aux soins de santé, aux services d’éducation permanente et l’adhésion à des valeurs communes de justice, de solidarité, de respect de la nature…

Alors nous voilà avec un beau et grand chantier en marche! Rien de mieux qu’une pédagogie efficace du changement et de la transformation sociale pour le réaliser. Et c’est à cette pédagogie que les gens de la Table de concertation sur la faim et le développement social ont réfléchi. Les représentants et représentantes  d’organismes qui la composent sont en lien quotidien et direct avec les premières victimes des politiques néolibérales ici chez nous : les femmes, les hommes et les enfants qui ont faim. Ils ont donc formé un comité de pédagogie du changement qui a puisé aux pratiques et réflexions des groupes d’aide alimentaire, ceux qui refusent une gestion à courte vue de la pauvreté et ouvrent plutôt des chemins neufs en allant au-delà du dépannage. Leurs travaux sont rassemblés dans ce petit guide à l’intention de tous ceux et celles qui tentent de réaliser, par divers moyens, le changement  souhaité. Il porte le titre de « Une pédagogie du changement. Outils de transformation  sociale pour une autre société… déjà à l’œuvre  ».  Voici les noms des membres de ce comité :

Azzedine Achour Solidarité Ahuntsic
Louise Bergeron* Groupe Ressource du Plateau Mont-Royal
Germaine Chevrier Regroupement des cuisines collectives du Québec
Sandrine Cohen Comité sécurité alimentaire de Place Benoit
Pierre Doucet Cuisines des parents
Jean-Paul Faniel* Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain
Françoise Laliberté Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain
Jean-François Léger Groupe Ressource du Plateau Mont-Royal
Brian McDonough* Archevêché de Montréal
Guy Paiement* Centre Saint-Pierre et président de la Table
Nancy Pole Table de concertation NDG
Micheline Roy Table de concertation Villeray
Mathé Séguin Recherchiste, Table sur la faim

* Personnes qui ont siégé de façon permanente sur le Comité

Avant-propos

Ce guide se divise en deux parties. La première présente certains outils dont il faut tenir compte pour emprunter le chemin du changement. Cet ouvrage aborde des conditions et des dynamiques à mettre en place, les outils à développer et l’importance de l’évaluation du processus pour estimer la réussite de nos interventions.

En second lieu, les différents points abordés dans la première partie sont mis en situation à travers des expériences concrètes vécues par des groupes communautaires. Des réflexions porteront sur les outils qu’ils ont développés pour favoriser le changement.

Avant de finir, vous prendrez connaissance de deux projets initiés par le Comité de pédagogie du changement de la Table sur la faim. Son but a été de réfléchir sur les pratiques des organismes membres et d’en faire profiter le plus grand nombre. Pour ce faire, il a entre autres accompagné les organismes membres dans une recherche-action sur la pratique de l’éducation populaire qui a donné naissance à un outil de référence dans le domaine : Le Chemin de table.

À la suite de cette initiative, les membres de la Table s’inspirent depuis deux ans de la démarche du Comité pour unir leurs réflexions et élaborer une politique nationale de sécurité alimentaire. Le Comité de pédagogie du changement a suivi l’évolution du projet et a fait culminer l’ensemble de ses réflexions lors du colloque de juin 2003.

Enfin, les éléments proposés en conclusion sont un rappel de certains changements sociaux au Québec, puis une réflexion sur le fait qu’il ne peut exister de changement réel sur la façon dont nous agissons sans un questionnement préalable sur les perception que nous avons de la réalité.

Ce guide s’adresse à tout individu ou groupe social désireux de s’en inspirer, de même qu’au mouvement communautaire car, à n’en pas douter et plus que jamais, l’heure est à une transformation sociale réussie.

Le contenu de cet ouvrage a été réalisé par Jean Forest.

Alexa Kaoua de la Table sur la faim y a ajouté quelques éléments et a révisé sa forme.

Partie I : Ingrédients de transformation sociale

I – La petite histoire du Comité de pédagogie du changement

  1. 1.    Les objectifs

C’est en 1996 que la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal Métropolitain crée le comité  de pédagogie du changement. Il vise à outiller pédagogiquement les organismes désireux d’opérer des changements au niveau de leurs interventions. Les objectifs visés peuvent se résumer ainsi :

a)      Identifier les conditions préalables, les dynamiques à mettre en place pour opérer les changements d’intervention souhaités;

b)      Offrir support et accompagnement aux organismes qui veulent opérer des changements, mais qui ne peuvent y réfléchir sérieusement, débordés et pressés qu’ils sont constamment par le travail d’intervention auprès des usagers;

c)      Accompagner les nouveaux quartiers demandant l’aide de la Table dans leur volonté de développer des interventions en sécurité alimentaire afin qu’ils puissent profiter de l’expérience accumulée et ne pas répéter les approches qui se sont révélées des culs-de-sac.

  1. 2.    Enrichir la recherche

En dépit de ce que l’on pourrait croire, le terrain de recherche sur le changement et sur les façons de le mettre au service des humains demeurait plutôt vierge. Certes, le mouvement populaire et communautaire existe depuis plus de quarante ans et les études et expériences à son actif en matière de changement social  sont  nombreuses et bien documentées. Sauf que le roulement de personnel dans les groupes ne s’est pas toujours accompagné d’une transmission des acquis en éducation populaire. De plus, les sessions de formation et de réflexion jadis fréquentes et diversifiées ont beaucoup perdu de leur popularité….faute de temps et d’argent, dit-on. De nombreux groupes sont alors devenus victimes du discours dominant, des exigences de services imposées par les instances gouvernementales ou encore des intérêts souvent pointus des bailleurs de fonds privés. Un outil de réflexion sur la pédagogie du changement est donc bienvenu.

  1. 3.     Combattre la pensée unique

En fait, chaque génération doit refaire cet exercice pédagogique, surtout que le Québec et le monde se sont transformés à un rythme très accéléré depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Et encore plus depuis les années 80 alors que la globalisation des marchés et la pensée unique se sont emparées des rênes du pouvoir mondial entrainant :

  • explosion de la richesse et envahissement de la société de consommation;
  • influence exponentielle des communications multimédias d’un côté mais écart de plus en plus grand et visible entre les moyens dont disposent  les battants et les riches d’une part, et les miettes qui sont laissées aux pauvres et aux exclus d’autre part;
  • détérioration marquée de l’écosystème mondial avec un réchauffement des températures et les risques qui s’ensuivent;
  • expansion de la pauvreté même dans les pays riches;
  • révolution dans les modes de production et sur le marché du travail avec accroissement du travail atypique et précaire;
  • privatisation et déréglementation dans toutes les sphères de l’activité humaine et retrait de l’État de som rôle de re-distributeur de  la richesse collective;
  • déstructuration de plusieurs sociétés, dans le tiers-monde notamment.
  1. 4.    S’entendre sur la définition du bien commun

S’inspirant d’une vision sociale critique qui, il y a quelques décennies à peine, a permis l’éclosion de nombreuses pratiques alternatives de changement social, le Comité a commencé par bien analyser notre monde, aujourd’hui dominé par les financiers et leurs vassaux.

Ces derniers, malgré un discours souvent trompeur, ne peuvent supporter l’idée « d’un système politique et social fondé sur des principes, des règles et des institutions qui visent à promouvoir la réalisation du bien commun »3. Leur credo prêche en faveur d’une économie entièrement libre et performante grâce à laquelle tous nos maux disparaîtraient. Pourtant cette économie de la société de consommation qui atteint des sommets sans interruption depuis plus de dix ans génère de l’inégalité croissante et souvent criante. Le Conseil national du bien-être social le fait d’ailleurs ressortir en page 5 de son rapport de 2002 lorsqu’il écrit: « Cependant, peu des améliorations observées dans les niveaux de pauvreté peuvent se comparer à la forte performance de l’économie canadienne observée pendant huit années d’affilée et notamment à un impressionnant taux de croissance économique national de près de 5,0% entre 1998 et 1999 ». Et, comble de désolation, il ajoute: « Il y a malheureusement peu de raisons de croire que notre riche pays prend les mesures nécessaires pour éliminer sérieusement les causes et les conséquences de la pauvreté ».

Qui plus est, nos sociétés occidentales ont une conception bien étriquée du bien commun. Celui-ci demeure un concept auquel trop peu de gens se réfèrent et tout un chacun en donne la définition qu’il veut, l’érodant sans ménagement quand ses intérêts personnels l’exigent. Dans les faits, tout demeure centré sur l’individu producteur/consommateur. Les mass médias et la publicité n’en sont-ils pas les meilleurs témoins en serinant jour après jour le message du « tout pour moi et moi seul : ma formation, mon emploi, mon revenu, mon auto, mon ordinateur, mes voyages, ma liberté 55… » ?

Or, comment imaginer des changements qui soient au service de cet autre monde où la justice et l’égalité des chances primeront sans que nous ayons une vision claire du bien commun et du développement social souhaités. À ce propos, ce que Robert Jasmin, président d’ATTAC-Québec, rappelle est tout à fait pertinent « …il n’est pas d’action qui ne soit précédée d’information et de formation et il n’est d’éducation qui ne soit suivie d’actions ».4

II – Un premier regard sur la pédagogie du changement

  1. 1.    Buts de l’opération

Une réflexion sur la pauvreté et l’appauvrissement est le préalable à tout processus de formation en vue d’un changement des interventions sur le front de la lutte à la faim. Il existe, en effet, des raisons à l’appauvrissement et à la pauvreté. L’appauvrissement est un processus de détérioration et, la pauvreté, le résultat à multiples facettes de ce processus. Si nous avons à combattre l’un et l’autre, nous devons avoir en tête que ce n’est pas en produisant simplement plus de richesses qu’on lutte contre eux. Il nous faut aussi viser un autre type de citoyen, actif, capable de participer avec les autres à faire circuler les richesses, les ressources, les rêves de tout le monde.

C’est donc, pratiquement, un autre processus qu’il nous faut mettre en place, tissé de solidarités multiples et toujours à refaire. Un développement solidaire devrait en résulter, singulièrement différent des fonctionnements en miettes que nous connaissons présentement.

  1. 2.    Promouvoir le développement solidaire

Être citoyen, c’est, en effet, être conscient que la collectivité dans laquelle nous vivons est riche de l’apport de chacun et que nous nous appauvrissons tous quand nous nous privons des apports des nôtres que nous excluons ou maintenons écartés de notre développement. Le développement solidaire permet aux membres d’une collectivité d’avoir le goût de se développer et de développer son milieu. Sans l’effort pour recréer, dans notre tête et dans notre milieu, un tel lien social, nous ne pourrons pas viser un développement qui profite à tous. Nous aurons toujours quelqu’un d’exclu et la pauvreté sera encore dans le décor.

  1. 3.    Grille d’analyse pour un cheminement vers le développement solidaire

Présentation de cet outil

Cette grille d’analyse veut aider un groupe à situer ses activités dans un cheminement de développement solidaire.

Destinataires

Cet outil s’adresse à un groupe

  1. déjà constitué ou en voie de l’être
  2. habité par la volonté de changer une situation jugée inacceptable
  3. engagé dans une action de transformation sur l’un ou l’autre des terrains suivants :
    1. l’économie
    2. la politique
    3. le socio-culturel
Contenu

Cette grille d’analyse comprend:

  1. une brève description de quatre (4) parcours de tout cheminement vers le développement solidaire
    1. un parcours de conscientisation (se donner une tête commune)
    2. un parcours d’organisation communautaire (tabler sur ses ressources)
    3. un parcours d’organisation collective (se chercher des alliés)
    4. un parcours de développement social (négocier le pouvoir de changer les situations)
    5. À noter qu’il ne s’agit d’un parcours en ligne droite. Chaque groupe vit ces parcours à sa façon, à son rythme et selon sa logique propre.
  2. quelques questions pour identifier les blocages rencontrés et les passages effectués d’un parcours à l’autre
  3. une esquisse des dérives possibles et souvent ignorées des personnes concernées.
La grille d’analyse5
Le parcours de conscientisation
  • Dans ce parcours, les personnes prennent conscience que la situation qui les fait souffrir ne tombe pas du ciel, mais a été programmée par des décisions économiques, sociales, politiques et culturelles. Elles prennent le temps de les identifier et de les analyser.
  • Elles décident de passer du rôle passif qu’on leur a donné à celui d’acteur actif, de la condition de consommateur ou de client à celle de citoyen, c’est-à-dire de quelqu’un qui a droit de cité dans son milieu et qui entend y vivre avec les autres de façon active et responsable de l’avenir commun.
Questions
  1. Le groupe s’est-il donné le temps d’identifier les nombreuses décisions qui ont programmé la situation à changer et qui ont marqué aussi sa façon de voir et de vivre ?
  2. Les membres du groupe ont-ils identifié le passage nécessaire qui est à faire pour passer de clients passifs à citoyens actifs ?
Dérives possibles
  1. Ce parcours est parfois escamoté pour passer trop rapidement à l’organisation ou encore à l’action. Il doit alors être repris en cours de route.
  2. Certains peuvent encore s’y arrêter par crainte du politique : on se contente alors de «conscientiser» ou «d’éduquer». On risque alors de se cantonner dans la critique impuissante et démobilisatrice.

Le parcours de l’organisation communautaire

Dans ce parcours, les personnes mettent en commun leurs ressources pour se donner des projets qui touchent d’abord à leur vie quotidienne. Elles apprennent ainsi à s’organiser pour mettre en œuvre des activités qui ont en commun de rassembler des gens de leur faire réussir une activité.

Questions
  1. Le groupe a-t-il réussi à se donner un projet concret pour changer certaines conditions concrètes de sa vie ?
  2. Le groupe a-t-il appris à se donner les ressources nécessaires pour réaliser le projet décidé ou s’en est-il remis aux seuls experts ?
  3. Le groupe a-t-il osé dépasser les limites de ses réseaux familiers pour faire appel à d’autres expertises et d’autres appuis ?
Dérives possibles
  1. Le groupe peut-être porté à se restreindre à son réseau habituel sans penser à l’élargir.
  2. Il peut aussi être tellement fier d’une micro réalisation réussie qu’il s’arrête dans son parcours politique. Il risque alors de gérer certains problèmes plutôt que d’aller jusqu’aux décideurs qui le engendrent.
  3. Il peut encore tolérer que ses leaders s’approprient le pouvoir tout neuf qu’ils viennent de découvrir au lieu de veiller à ce qu’il soit partagé.
  4. Il peut également croire que ses valeurs communautaires sont nécessairement partagées par les autres acteurs, alors que les intérêts des uns et des autres n’ont pas encore été démêlés.

Le parcours de l’organisation collective

  1. Dans ce parcours, le groupe cherche à s’arrimer à d’autres groupes ou organisations qui ont les mêmes intérêts.
  2. Il se concerte avec eux pour se donner de projets conjoints et se donne, avec les autres, des moyens de durer dans le temps.
  3. Il entre ainsi dans un processus de mobilisation collective qui rencontre, tôt ou tard, des épreuves de force avec les pouvoirs en place.
Questions
  1. Le groupe s’est-il allié avec d’autres groupes ou organisations qui ont les mêmes intérêts ?
  2. Le groupe s’est-il donné avec les autres groupes un projet commun mobilisateur ?
  3. Le groupe a-t-il pris la mesure des pouvoirs en place et a-t-il appris à en tenir compte ?
Dérives possibles
  1. La concertation est difficile entre ceux qui possèdent la sécurité économique, les réseaux d’influence, le langage approprié et ceux qui ne les ont pas. Si bien que les privilégiés risquent souvent d’imposer leurs vues.
  2. De même, se concerter pour faire la critique collective d’une décision administrative est souvent plus facile que de le faire pour une décision politique déjà prise. Chose certaine, on n’utilisera pas les mêmes stratégies.
  3. Une autre impasse consiste à se cantonner dans une approche critique et à s’interdire la proposition d’une solution alternative. On s’expose alors à l’impuissance et à la démobilisation.

Le parcours du développement solidaire

  1. Dans ce parcours, le groupe se comprend comme faisant partie, avec d’autres, d’une communauté d’intérêt et de destin.
  2. Il se comprend aussi comme cherchant à obtenir, avec les autres, plus de reconnaissance sociale et donc plus de pouvoir sur les décisions qui les concernent
  3. Il cherche alors à prendre le pouvoir qu’il n’a jamais eu ou à reprendre le pouvoir qu’il a perdu pour être à même de décider de l’avenir qui le concerne.
  4. Une fois reconnu comme partenaire par d’autres acteurs sociaux, il peut viser, avec les autres, la réalisation de projets conjoints qui pourront construire le quartier, la municipalité ou la région.
  5. C’est en apprenant la négociation et l’art du compromis que le groupe se donnera progressivement plus de pouvoir de décision et deviendra un interlocuteur valable.
Questions
  1. De quelle communauté d’intérêt et de destin le groupe fait-il parti ?
  2. La reconnaissance sociale du groupe est-elle minime, en croissance appréciable ?
  3. Quel pouvoir réel de décision en résulte-t-il ?
  4. Quel pouvoir le groupe cherche à rapatrier ou à acquérir ? Un pouvoir de représentation sociale ? De sécurité économique ? De participation aux orientations et aux décisions politiques ?
  5. Le groupe participe-t-il, avec d’autres acteurs sociaux, à des projets concrets de développement local ?
  6. Quels sont les acquis et les pertes du groupe dans vos pratiques de négociation ?
Dérives possibles
  1. La dérive fréquente consiste à prendre 3le partenariat ou la concertation comme une fin, alors qu’il s’agit d’un moyen. C’est une forme concrète de développement social qui peut être une fin.
  2. Une autre dérive fréquente vient du corporatisme de l’un ou l’autre des acteurs associés, c’est-à-dire de la poursuite des seuls intérêts de son groupe.
  3. La façon de contrer de telles dérives est peut-être de préciser ensemble en quoi le projet poursuivi contribue à la construction de la collectivité, et cela, de façon structurante pour son avenir. Nous ne sommes alors pas loin de s’interroger sur le bien commun qui est ainsi recherché.

Au terme de la démarche, faire le bilan provisoire du groupe

  • En identifiant les parcours plus familiers qui ont été accomplis et ceux qui le sont moins.
  • En soulignant les passages déjà effectués et ceux qui restent encore à fortifier et à entreprendre. Le cheminement vers le politique n’est jamais terminé, car nous n’avons jamais fini de découvrir qui nous sommes et où nous voulons aller avec les autres.

III – Les préalables au changement

  1. 1.    Les conditions à respecter

Un non à l’intolérable

Une première condition oriente nettement un groupe sur la voie du changement. Il s’agit du refus d’une situation jugée intolérable. À titre d’exemple, les groupes d’achats ont vu le jour quand certaines personnes ont refusé le dépannage. Cependant, quand de nouveaux membres entrent en scène, il faut vérifier si un tel  refus est vraiment partagé. D’où la nécessité de réinventer avec les gens le processus qui a donné naissance à une initiative. On ne peut en effet se contenter de la répéter sans refaire la démarche qui l’a rendue possible.

Vivre certaines réussites

Il est important de pouvoir se référer à quelques réussites, si limitées soient-elles,  pour mettre en branle une autre façon de voir sa vie. C’est ainsi qu’on pourra peu à peu passer d’une culture de l’échec à une culture du développement. Plus il y aura d’expériences positives, plus les gens auront tendance à s’identifier à ces modèles de changement et de développement. Par la suite, ils pourront s’appuyer sur ces  réussites et explorer d’autres domaines, risquer de nouvelles démarches.

Commencer avec un nombre restreint de personnes

Ce passage d’une culture à une autre s’effectue d’abord avec un nombre restreint de personnes. Ce serait une erreur de vouloir, à priori, atteindre le plus grand nombre. Un petit groupe déterminé et heureux donnera à penser à d’autres. Il leur fournira un autre modèle ou une alternative qui pourra avoir valeur d’entraînement.

Changer la façon de se voir et de voir les gens

La base de cette approche repose cependant sur une façon différente  de se voir et de se comprendre. Nous voyons-nous comme une somme de problèmes ou comme un potentiel inemployé? De même, abordons-nous les gens sous l’angle de leurs manques ou sous celui de leurs possibilités? Avons-nous et ont-ils confiance en eux? Tout repose sur ce regard complice porté sur les personnes. Sans une telle confiance, nous tendrons à régler leurs problèmes à leur place (par un panier alimentaire ou autrement).

Au contraire, si nous sommes confiants que les gens possèdent les leviers pour s’en sortir et se prendre en main, nous chercherons ensemble ces leviers et les mettrons en lumière dans un processus revalorisant. C’est ce processus qui nous permettra de récupérer notre dignité et d’apporter à notre tour une contribution à la société, plutôt que de dépendre de cette dernière.

Développer un sentiment d’appartenance

Un sentiment d’appartenance à un même groupe d’intérêt  est un autre pré-requis  incontournable. Deux éléments sont ici à retenir pour développer un tel sentiment.

  • L’individu est capable de s’identifier au groupe, à ses objectifs et à ses actions.
  • L’individu ressent que le groupe attend quelque chose de lui. Il se sent utile, il apporte quelque chose. Le sentiment d’appartenance sera d’autant plus fort que ce deuxième point sera présent dans le groupe. L’imagination, ici, n’a pas de limite. Mentionnons, à titre d’exemple, l’appartenance à un comité de tâches.

Soulignons que le groupe sera d’autant plus riche et actif que les responsables sauront tabler sur les différentes ressources des membres. Ces derniers en arrivent à se sentir essentiels au développement du groupe et à découvrir que leur apport change vraiment quelque chose.

Pour éviter toutefois de mauvaises surprises, il est important de préciser avec les gens le champ du négociable. En d’autres termes, certains éléments sont non négociables dans un groupe (la mission de l’organisme, la nécessité de rendre des comptes). D’autres points peuvent cependant être négociés, comme les stratégies, etc.

  1. 2.    Dynamiques à mettre en place

Agir différemment selon les rôles et statuts de chacun

Il est utile de bien distinguer les démarches à effectuer en fonction des personnes à qui on s’adresse. On n’abordera pas des bailleurs de fonds ou un conseil d’administration de la même façon qu’une personne qui vient nous demander de l’aide. Les premiers sont conscients du pouvoir qu’ils possèdent et s’en servent souvent pour bloquer ou accélérer le changement. Avec eux, l’approche peut prendre plusieurs avenues selon les intérêts en présence.

La  résistance au changement des personnes plus démunies relève souvent de leur manque de pouvoir et de la peur de délaisser ce qu’elles connaissent pour une solution qu’elles ne contrôlent pas encore. On leur demande de lâcher la seule poignée qu’elles ont sur leur situation pour en prendre une nouvelle. Avec elles, on a le fardeau de la preuve. On doit le comprendre et l’accepter. Des stratégies d’intervention différentes seront donc développées selon les personnes concernées.

Enclencher un processus

Ceci dit, pour réussir une dynamique de changement, il est utile de se rappeler qu’il s’agit d’un processus et que tout processus comporte des étapes. Les identifier clairement est un préalable pour qu’à chacune d’elles, on en précise les objectifs recherchés, les moyens à développer, les ressources nécessaires, les pièges ou dérives à éviter et les passages à construire d’une étape à l’autre.

Il ne faut pas oublier non plus que pour s’assurer de la réussite d’une telle démarche, il est nécessaire que chacune des personnes impliquées soit convaincue de la nécessité d’une telle démarche et qu’elle la fasse volontairement.

IV – Favoriser le changement

  1. 1.    Des outils à développer

S’assurer du respect des conditions préalables

Certains groupes cherchent des solutions alternatives au dépannage alimentaire chronique ou épisodique. Plusieurs personnes qui les fréquentent le veulent aussi, se sentant humiliées de quémander de l’aide alimentaire. Cependant, les responsables sont souvent surchargés et manquent de moyens pour soutenir le désir de changement de leurs membres.

La chose est particulièrement vraie quand un organisme décide de proposer à un certain nombre de ses usagers la création d’un groupe d’achats. On est bien conscient, en effet,  qu’une  telle initiative suppose des conditions concrètes pour qu’elle puisse réussir.

En voici certaines :

  • L’existence d’un groupe avec un certain sens de l’appartenance. Passer du JE au NOUS devient ici indispensable si l’on veut lutter contre la poursuite des seuls intérêts individualistes.
  • Le volontariat des personnes  participantes. Il est indispensable que les gens décident de tenter l’expérience et ne soient pas obligés de le faire.
  • Le goût de rêver et de risquer autre chose. L’aide directe a trop souvent tari le rêve de changer les situations concrètes et de le faire avec d’autres.
  • La redécouverte de la coopération doit se faire dans un climat qui est souvent marqué par les blessures reçues ou la tendance générale à s’en tirer tout seul.

Suggestions : l’atelier-théâtre

Pour accompagner la mise en place de ces conditions, l’Atelier-théâtre de la Table se veut un outil original et pertinent. À l’aide de masques, les personnes font une analyse de leur situation d’appauvrissement, se remettent à rêver ensemble et finalement s’interrogent sur le goût de commencer un groupe d’achats ou une autre initiative. L’expérience comprend un ensemble de trois rencontres de deux à trois heures chacune. Elle suppose aussi le nécessaire à la fabrication de masques. Le coût de cette formation est absorbé par la Table à la condition que l’organisme demandeur fournisse le local approprié, recrute les participants et participantes éventuels, s’engage dans la promotion d’une expérience alternative et fasse connaître le résultat de sa  démarche à son milieu.

La reconstruction des réseaux

Le concept de réseaux qui est le nôtre s’oppose justement à celui de l’individu seul et renfermé qui ne comprend pas que son malheur est associé à son isolement. Au contraire, si l’on découvre qu’ensemble on peut réaliser des choses que seul on ne peut faire, qu’ensemble on peut se libérer de certains fardeaux et d’une vie de survie, on comprend alors le caractère libérateur de la démarche collective et le potentiel de recouvrement de son autonomie et de sa créativité. Plus on découvre que l’on peut ainsi être créateur de sa vie et autonome, plus on découvre qu’ensemble on peut changer les scénarios qu’on nous impose pour écrire notre propre scénario.

Nous partons ici du constat que nous sommes des êtres de réseaux. Certes, l’idéologie et le mode de vie proposés par la société de marché tendent à nous faire croire  que nous sommes chacun sur une île (l’île de notre appareil télé…) et à nous faire vivre cette approche individualiste. Or, la pauvreté tend à accentuer cette approche, car elle défait les réseaux de travail, les réseaux sociaux, les réseaux personnels. La pauvreté isole. Ne pouvant autant que les autres participer à la consommation sociale, on sort moins avec des amis, on n’invite plus à dîner son beau-frère un peu plus fortuné et, à la longue, on est gêné d’accepter les invitations des autres. On se confine à la consommation télévisuelle passive. On oublie son potentiel relationnel.

Pour faire du développement communautaire, il nous faut recréer ces réseaux. Or, ceux-ci se recréent d’abord sur la base des intérêts individuels. C’est normal! Ainsi, un individu s’intéressera à tel groupe, organisme ou activité, selon que cela répondra à ses intérêts, ses désirs ou ses besoins. Ce peut être, pour certains, d’économiser, pour d’autres, de briser leur isolement. En satisfaisant ce premier niveau d’intérêt, l’individu recrée, de fait, des liens sociaux et est en position pour découvrir son propre potentiel et le potentiel collectif.

Favoriser la solidarité

Mais cette découverte peut en rester à un niveau encore très individualiste. Ainsi, un groupe d’achats peut se révéler pour l’un une simple occasion de faire des économies avec un animateur accueillant qui donne un bon service. On aura alors la perspective de la seule croissance individuelle ou, pire, celle du ‘client’. « Au groupe d’achats, on trouve de tout, même un ami ».

Au contraire, pour favoriser la découverte du lien entre le potentiel de chacun et le potentiel collectif, il est impératif que le groupe se donne une autre perspective, celle du citoyen lié à sa collectivité. Il s’agit d’une perspective de croissance en groupe, où l’on identifie clairement qu’à plusieurs, on a plus de chance de s’en sortir qu’isolé sur son île et que la solidarité entre tous rapporte à chacun.

Pour ce, il faut tabler sur le fait que personne n’est une île et que le sort de chacun est lié à celui des autres.

Conscientiser l’apport de chacun

En premier lieu, il faut se convaincre que tout repose dans le groupe sur l’apport de chacun. Pour y arriver, on invitera chaque participant à socialiser la situation qu’il vit, c’est-à-dire à la situer constamment en lien avec celles des autres dans le groupe, et même dans la société. On prendra donc soin de ramener cet exercice au niveau de l’expérience vécue quotidiennement par les gens, par exemple dans leurs rapports avec le groupe et ses membres, qu’il s’agisse des rapports avec un épicier ou des rapports avec un organisme de charité.

Que le marché soit le metteur en scène de nos vies, c’est le piège par excellence. Notre apport est de bien comprendre et de bien faire comprendre que dans l’affirmation « Je veux être responsable de ma vie », le Je demeure un tissu de rapports avec les autres. Le Je n’est plus un simple consommateur. Le Je est à la fois lié aux autres et créateur de lien. Il y a là une approche à développer dans nos groupes qui peut faire toute la différence entre un groupe de consommateurs débrouillards mais individualisés et un groupe de citoyens responsables et solidaires.

Véhiculer un message porteur de sens

Deuxièmement, il est bon de se rappeler que le préalable à toute démarche de groupe est souvent de s’assurer que les permanents et le CA, dans leur message quotidien aux membres et dans leur façon d’assumer leurs fonctions, soient porteurs de cet esprit de développement collectif. En ce sens, il est important de se donner une tête commune et utile de renouveler constamment notre vision des choses. Un temps régulier de formation permanente des  intervenants et du CA est donc à prévoir.

  1. 2.    L’importance de l’évaluation du processus

Connaître la population cible avant d’agir : présentation d’un outil

Cet outil s’inspire de la pédagogie de Paulo Freire et pourrait se résumer par la question: «Comment redevenir les créateurs de notre vie et non seulement les victimes des situations qu’on nous impose». La réponse proposée consiste à présenter les situations dans lesquelles nous vivons et à en tenir compte dans nos interventions. Si nous voulons évaluer l’efficacité des interventions que nous avons pris pour atteindre nos objectifs, la question se pose alors de savoir d’où partent les personnes visées par nos interventions. On identifie quatre niveaux de conscience pour mieux cerner la perception que les gens ont de leur réalité.

Les quatre niveaux de conscience, leurs manifestations et les interventions les renforçant ou les modifiant

Quelques éléments à prendre en compte

Pour évaluer les approches et possiblement rectifier le tir des interventions, on se souviendra qu’il faut toujours regarder les résultats en se rappelant les objectifs et les buts recherchés.

Par exemple, en ce qui concerne les cuisines collectives, si on en évalue la performance aux seules économies réalisées, on passe à côté d’un élément fondamental du projet initial qui était de mettre les gens en réseaux, de les aider à sortir de leur isolement et à recréer des liens de solidarité leur permettant d’envisager d’autres aspects de leur vie avec le soutien et la compréhension de personnes devenues proches, solidaires, amies.

En ce qui concerne une cuisine collective ou un groupe d’achats, il serait aussi intéressant d’évaluer le sentiment d’appartenance des membres au groupe et l’influence de ce dernier sur la solution des problèmes rencontrés. Ainsi, les gens expriment-ils spontanément qu’ils ont réussi à surmonter leurs problèmes parce qu’ils ont mis en commun leurs ressources ou est-ce l’animateur qui est amené à suggérer cette explication? Dans le premier cas, c’est une réussite, dans le second, c’est que le message n’est pas encore intégré par les membres ou que la pratique ne va pas du tout dans ce sens. Le travail reste donc à faire et il serait judicieux de réexaminer l’approche utilisée jusqu’ici.

Autre élément à prendre en compte, plusieurs personnes à revenus précaires ont une expérience négative des «autres» qui mine toute expérience collective. Déjà meurtries d’avoir eu à rendre des comptes à un agent, à un inspecteur de l’aide sociale ou au voisin trop curieux, elles rêvent d’exercer enfin leur autonomie. Elles sont souvent rébarbatives à tout ce qu’elles peuvent percevoir comme un embrigadement. N’ayant réussi aucune expérience collective, elles n’en voient que le côté encadrement et n’en perçoivent pas le côté potentiellement libérateur. Le réseau est alors perçu comme un réseau de dépendance ou de surveillance.

Le lien entre le résultat et la mission

Le  but recherché est de donner tout en respectant la dignité des personnes aidées. Pour évaluer la pertinence de l’approche, il serait intéressant de confronter la perception de la dignité des uns et des autres. Celle-ci peut, en effet, être comprise de façon avant tout individualiste ou sociale. Dans le dernier cas, ma dignité d’être humain et de citoyen est étroitement reliée à celle de l’autre. En fait, c’est la même qui s’évalue à l’aune de la façon dont l’un et l’autre est perçu et traité. Si je diminue l’écart entre celui qui reçoit et celui qui donne, si je développe un rapport où chacun apporte quelque chose à l’autre et est convaincu de son apport, je reconnais que ma dignité s’évalue à la façon dont je reconnais ainsi la dignité de l’autre. La façon d’évaluer cette perception serait alors d’examiner les efforts de réflexion que le groupe de bénévoles et d’intervenants font pour diminuer le plus en plus cet écart.

Autre élément recherché dans les projets, l’implication du milieu dans cette nouvelle façon d’agir pour combattre la pauvreté. L’évaluation des campagnes annuelles ne se limitera pas alors à seulement comptabiliser les dons reçus, mais à retracer la diversité de leur provenance dans le quartier, à évaluer si les donateurs, d’année en année, dépassent le simple don et s’impliquent de plus en plus dans la campagne, voire dans d’autres activités de soutien ou d’entraide le reste de l’année. Dans le cas contraire, y aurait-il lieu de réexaminer nos priorités et d’y introduire une réflexion et une éducation du public (chroniques dans l’hebdo de quartier, par exemple)?

Une réalité qui tienne compte du temps et du milieu

En fait, dans un type d’intervention ou dans un autre, c’est toujours une question de vigilance : ce qui est reconnu et accepté par une équipe d’intervenants ou un CA ne se transfère pas automatiquement à ses successeurs. Il faut y voir. De plus, ce qui vaut pour une situation donnée ne correspond pas de soi à une autre situation l’année suivante. La réflexion et l’analyse, voire même la formation sur la réalité confrontée, se révèlent ainsi une nécessité incontournable pour toutes les personnes intervenant dans notre domaine, celui du développement social.

Référence pour l’évaluation des interventions

Nous vous conseillons l’ouvrage de Louise Gauvreau intitulé Évaluer pour évoluer – Les indicateurs de critères des Éditions Logique, 2001 qui présente une méthode simple pour développer et évaluer vos projets d’intervention.

Partie II : Mise en situations concrètes

I – Des points de repères sur un chemin de traverse

  1. 1.    Les trois prémisses de la pédagogie du changement

  • bien identifier les conditions à mettre en place pour remettre en circulation les ressources des personnes et des milieux de vie;
  • tout mettre en œuvre pour favoriser le passage d’une culture de dépendance à une culture de développement;
  • s’appuyer sur les forces et les ressources des personnes et de leurs possibilités à changer.

Il est ici question de « personnes » que l’on met en marche; de « milieux de vie » que l’on dynamise ou  redynamise; de changement de « culture et de mentalité ». Nous abordons ces changements à partir de réalités reliées plus directement à la sécurité alimentaire, zone vitale s’il en est une, mais spécifique néanmoins. Cet outil de réflexion  se veut davantage un digest, un « cours 101 » sur l’établissement de pratiques de transformation sociale efficaces et utilisables par le plus grand nombre possible. Pas de discours savant sur le changement social donc, mais des indications, des pistes, des trucs, des façons de faire à adapter à chacune de vos réalités propres, à la ville comme en région.

  1. 2.    Le but du chemin de traverse

Pour concrétiser ces notions, nous avons choisi d’emprunter un chemin de traverse, soit de raconter des expériences de changement vécues dans une région éloignée. Un chemin de traverse, ce n’est pas un sentier sauvage et mal entretenu, mais une route, une voie détournée qui mène là où bien souvent le grand chemin ne permet pas d’aller et que les habitués de la campagne connaissent bien et utilisent facilement. Sauf que…ce chemin de traverse n’est ni à l’abri des aléas de la nature — crevasses, chutes d’arbres ou autre — ni de l’usage que décideront d’en faire ceux et celles qui  l’emprunteront. Et qui ne se souvient de barrages routiers célèbres au Québec, pas toujours érigés sur la grand’route !

Dans les pages qui suivent, ce chemin de traverse c’est une voie que des groupes communautaires en région éloignée ont choisi de prendre pour atteindre le but qu’ils s’étaient fixé: mener une lutte plus efficace et plus collective contre la pauvreté dans un coin du Québec où les distances sont grandes, les communautés et les gens souvent éloignés les uns des autres et le chômage répandu comme la peste.

Ce chemin de traverse n’est donc ni une vue de l’esprit ni une fiction. Il est réel et plusieurs personnes victimes d’isolement, de pauvreté et d’exclusion s’y sont bel et bien engagées avec d’autres dans le but de combiner leurs efforts pour mener une véritable lutte à la pauvreté et à l’exclusion. Nous en donnerons deux exemples différents. Les principes, suggestions et outils du Comité de pédagogie du changement seront précédés de ce symbole ² et ils seront posés ici et là sur ce chemin de traverse comme autant de cailloux blancs qui marquent la route. Une façon d’attirer  votre attention et de vous inviter à les mettre dans votre besace d’animateur ou d’intervenant pour vous en servir par la suite. C’est ce que nous souhaitons.

  1. 3.    Une histoire qui remonte à 1995

Deux groupes – les noms sont fictifs — les « Cuisines de l’avenir » et « Écrire pour être lu »,  coexistent sur le même territoire (dans deux municipalités voisines en fait)  et la similitude de leurs participants et participantes, des gens vivant des prestations d’aide sociale, les rapproche l’un de l’autre fréquemment.

Le premier, une banque alimentaire, refuse de gérer la pauvreté et cherche à dépasser dépannage et aide directe par l’organisation de cuisines collectives, de  jardins communautaires et d’ateliers d’éducation populaire. Bref, des outils de prise en charge, de développement personnel et collectif mis à la portée de tous ceux et celles qui veulent  redevenir des citoyens et des citoyennes à part entière. Le groupe est membre du Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ) et il dit clairement non au dépannage sans perspective d’autonomie.

Le deuxième, un groupe populaire en alphabétisation, est le premier à s’installer dans cette région et il s’inspire de la philosophie du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (le RGPAQ) dont il est membre. Il refuse pour sa part que trop d’hommes et de femmes de la région  soient exclus des apprentissages de base en français et en mathématiques pour la simple raison qu’il n’y a qu’un seul modèle d’alphabétisation proposé, celui de l’école. Il dit non à l’exclusion et à l’analphabétisme.

² Le NON comme point de départ : il faut commencer et même recommencer par dire un NON personnel et collectif (même pour un petit groupe de personnes) à une situation jugée intolérable (la faim et l’analphabétisme en l’occurrence). Cela ne peut débuter que par une réflexion sur des situations injustes vécues soit par des individus, soit dans une strate précise de la société, les femmes, les enfants ou les autochtones  par exemple, soit dans les structures de nos groupes, soit ailleurs dans le monde où les injustices et les disparités sont encore plus flagrantes mais néanmoins engendrées par les mêmes causes que celles ressenties ici chez nous. Une fois posé et partagé, ce NON peut contribuer à nous libérer de certaines peurs paralysantes : peur de perdre ses acquis; peur devant l’inconnu; peur du changement et de ses effets; peur d’être enferré dans les rouages administratifs et bureaucratiques… Ce NON  peut ainsi devenir un moteur pour l’action et ainsi créer une synergie porteuse de pratiques de justice sociale.

  1. 4.    Des visions partagées

Les premières rencontres des deux groupes ont eu lieu à l’occasion de fêtes, d’assemblées, d’échanges informels dans lesquels se sont retrouvés aussi bien des intervenants que des participants. Puis au cours des années 96, 97, 98, les deux groupes se sont échangés des sessions de formation autour de thèmes comme la confiance en soi, le développement des compétences, la sensibilisation à l’écologie. C’est à travers celles-ci que s’est forgée petit à petit une même vision de l’éducation populaire comme outil de lutte contre le fatalisme et la peur engendrés par l’exclusion et la pauvreté. Voici comment ces groupes se sont approprié les définitions de  l’éducation populaire et la lutte à la pauvreté :

  • L’éducation populaire, c’est l’ensemble des pratiques pédagogiques développées depuis plus de trente ans par des groupes communautaires de toutes sortes pour trouver et mettre en place de façon durable et ce, avec les gens victimes de pauvreté ou d’exclusion, des façons différentes d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Exemple : les cuisines collectives ont appris et développé de meilleures façons de manger et de faire à manger tout en brisant l’isolement et en favorisant l’entraide, l’économie, les apprentissages multiples ainsi que l’autonomie alimentaire. L’alphabétisation populaire par ailleurs, à travers des apprentissages non scolaires et ouverts sur la vie, permet de retrouver le goût d’apprendre,  d’utiliser son français et ses mathématiques avec plus de confiance. De retrouver également la fierté de soi, la capacité de mieux se débrouiller et celle de participer davantage à la vie en société.
  • La lutte contre l’exclusion et la pauvreté suppose un objectif commun : celui de faire en sorte que la société dans laquelle nous vivons et surtout celle dans laquelle vivront nos enfants prendra tous les moyens à sa disposition pour qu’il n’y ait plus de pauvreté voulue ou tolérée et pour reconnaître une valeur égale à tout citoyen et à toute citoyenne. Un objectif qui, pour être atteint un jour, ne peut que bénéficier de l’existence d’une loi cadre, ce que le Québec a pu se donner grâce au travail du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté et nos groupes ont la satisfaction d’y avoir participé.
Vaincre la fatalité et la peur

Comme l’a bien expliqué Paulo Freire6 « Une des caractéristiques des gens opprimés et passifs, c’est leur niveau de conscience qui se situe dans l’acceptation avec fatalité de situations injustes et dépendantes » et généralement, ajoute-t-il, « …ils sont dans une énergie de destruction ou d’autodestruction et de désespoir » Aussi faut-il être très attentif à ce qui peut rendre plus difficile l’affirmation de ce NON : les blessures passées ou présentes et les dépendances émotives issues de relations difficiles avec les autres qui génèrent souvent un manque d’énergie ainsi que la peur d’y perdre au change.

  1. 5.    S’engager dans la transformation

Délaissons un instant nos trois groupes pour nous intéresser au deuxième exemple qui illustre  bien à quel point travailler AVEC les personnes appauvries peut se faire sur une grande échelle et permettre à toute une région de mieux s’engager dans la transformation d’une situation grâce à l’acquisition de savoirs.

Dans une région où le taux de chômage est très élevé, une loi comme la loi fédérale C-12 votée en 1996 a fait très mal. Elle a agi comme un assommoir sur une grande partie de la population qui se fait littéralement voler les prestations dont elle a besoin pour survivre. Le Mouvement de défense des chômeurs décide donc en 1998 de travailler à la formation d’une coalition régionale alliant les syndicats, l’Église et le milieu communautaire dans le but de travailler encore plus directement AVEC les chômeurs et chômeuses. Une grande tournée d’information et de formation sera donc organisée dans dix églises de la région et plus de 1 000 personnes participeront aux rencontres. Et qu’y fera-t-on?

  1. expliquer en détail les mécanismes de la loi
  2. permettre aux gens d’exprimer leur désarroi
  3. proposer une série d’actions et de moyens pour amener le gouvernement fédéral à  changer la situation.

Cette tournée de rencontres a véritablement permis à un grand nombre de personnes, qui autrement n’auraient analysé la situation qui leur est faite qu’à travers leur cas personnel, d’en apprendre sur la loi, de partager leur savoir personnel et leurs difficultés avec d’autres, de se solidariser et même d’apprendre comment s’organiser concrètement et collectivement pour lutter contre cette loi injuste. Cette belle démarche d’éducation populaire a culminé par une imposante manifestation régionale en février 1999 en lien avec plusieurs autres qui se déroulaient ailleurs au pays.

L’exemple ci-dessus illustre bien les dynamiques présentées précédemment mais aussi  quels apprentissages chacun peut en tirer.

Des apprentissages réels. Travailler AVEC les personnes appauvries permet :

  • de  passer de la dépendance à l’autonomie en exprimant ses besoins d’abord puis en les classant selon un certain ordre de priorité. Il faut ensuite faire les liens appropriés avec ce qui est vécu par d’autres autour de nous, puis prendre  des décisions d’action et les assumer. Enfin, il faut apprendre à fêter les victoires si petites soient-elles;
  • de passer de l’intérêt individuel à la coopération que l’on expérimente dans de petits contrats à objectifs limités et circonscrits par exemple. Ceci exige que l’organisme ou l’entreprise se dote de règles d’éthique applicables à tous les membres. Travailler et s’organiser en groupe, avec un code d’éthique, c’est faire l’expérience de  l’autre; c’est gérer les conflits; c’est savoir assumer une réussite collective; c’est choisir de mettre en commun les compétences de chacun et chacune;
  • de passer de la conscience soumise à la conscience critique. Une étape  importante vers cette aptitude à faire de la transformation sociale c’est à dire à développer « cette capacité de TOUT mettre en œuvre pour nous libérer – et libérer les autres – de situations oppressantes ». On parle alors de conscientisation, d’action, de mobilisation qui, ajoutées les unes aux autres, vont aboutir à un changement de valeurs, de politiques ou de lois qui permettront d’améliorer la société dans le sens de la justice et du bien commun. Impossible d’atteindre un niveau de conscience critique sans passer par la réflexion et l’implication dans  de petits projets.
  • de passer de l’action spontanée à l’action organisée. Cet apprentissage amène quelqu’un à pouvoir formuler des objectifs précis et accessibles.
  • de s’inscrire dans une dynamique de changement solidaire.
  1. 6.    Créer des liens de confiance et de solidarité

Il y a des outils et des pistes à privilégier pour vaincre fatalité et peur. Bien utilisés, ces outils contribuent à redonner confiance et estime de soi aux  participants et à recréer des liens de confiance et de solidarité. En voici trois : prendre conscience de ses conditions de vie et de  travail difficiles; donner la parole aux gens; développer des petits projets  structurants.

Il existe diverses façons connues de faire ce type de démarche et un grand nombre d’entre elles sont très bien expliquées,  mises en contexte et  illustrées avec humour dans un petit livre tout simple de M. Guy Paiement, intitulé « Pour faire le changement »7. En 123 pages, l’auteur explique comment se déprogrammer, s’intégrer à des réseaux, découvrir et comprendre son environnement, faire face aux obstacles et se mettre au travail…de l’analyse sociale somme toute. L’ensemble de l’ouvrage est vraiment destiné au grand public et aux membres des groupes populaires et communautaires. Les pages de l’annexe 2 quant à elles (page 125 à 189) s’adressent plus spécifiquement à celles et ceux qui acceptent de confronter leur vision avec celle de l’Évangile.

  1. 7.    La volonté de se regrouper

En 1999, un troisième groupe s’est joint à cette alliance sur le terrain; il s’agit de « Regroupons-nous », un organisme nouveau pour la région dont l’objectif est la défense des droits des personnes assistées sociales et la promotion des droits sociaux. Il offre les mêmes services que ceux généralement offerts par les membres du Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) et il tente par la mobilisation d’améliorer le rapport de forces des personnes appauvries et exclues. Il a également comme objectif d’offrir de la formation et du soutien aux moins favorisés de la société.

L’arrivée de « Regroupons-nous » suscite un regain d’intérêt pour cette alliance au point où un quatrième groupe axé sur la famille s’ajoute et participe aux échanges pendant un certain temps. Il abandonne toutefois quelque temps après considérant le territoire trop éloigné du sien. L’objectif de se regrouper continue de grandir et la Marche mondiale des femmes arrive à point nommé pour alimenter la réflexion et stimuler les trois groupes à poursuivre leurs efforts pour mieux coordonner leurs actions dans le sens de la mission fondamentale du mouvement populaire. Voici un rappel des raisons fournies par la Marche des femmes pour transformer la société :

  • la richesse s’accroît au Québec (+30% entre 1980 et 1993) en même temps que le nombre de pauvres grossit (1 adulte sur 7 – 1 enfant sur 5 et les chiffres sont encore plus élevés en région)
  • le gouvernement privatise et réduit ses services à la population (santé, éducation)
  • le gouvernement propose de mettre les groupes communautaires au service de ses politiques de désengagement de l’État et il refuse de les reconnaître pour ce qu’ils sont : des groupes faisant partie d’un large mouvement de transformation sociale voué à la défense d’une plus grande justice sociale et d’un meilleur partage de la richesse.
  1. 8.    Définir les objectifs et les moyens à mettre en œuvre

Les trois groupes conviennent que l’objectif premier de leur alliance c’est l’amélioration des outils de transformation sociale que leur propose l’éducation populaire. Et qu’est-ce qu’un outil de transformation sociale sinon un moyen par lequel on tente de changer définitivement une situation en faveur d’un ensemble de personnes touchées par le même problème en agissant sur les causes tout en donnant aux gens des moyens pour s’en sortir. En voici quelques exemples appropriés :

  • les jardins communautaires, comme les cuisines collectives d’ailleurs, sont des outils de transformation sociale dans la mesure où ils contribuent à briser la dépendance face au dépannage et à se donner ensemble un outil de production orienté vers  un projet d’économie sociale créateur d’emplois si possible.
  • une formation sur les droits sociaux permet non seulement de mieux connaître ces derniers mais aussi de saisir leur importance fondamentale dans une société démocratique comme la nôtre. Et voilà que le pas à faire pour se mobiliser en vue de faire changer une situation injuste ou encore de faire respecter ses droits est moins grand.
  • l’alphabétisation : quand elle s’impose comme une véritable alternative à l’alphabétisation scolaire et qu’elle ouvre aussi grandes que possible les portes de l’implication citoyenne à tous ceux et celles pour qui la route est barrée de quelque façon.

Plus les trois groupes cheminent ensemble, plus s’affine leur compréhension mutuelle et se précise  leur choix de travailler sous un même toit de façon à:

  • briser les préjugés reliés aux différentes problématiques;
  • donner accès en un même endroit à quelques ressources d’éducation populaire;
  • s’entraider et se soutenir mutuellement dans nos différentes tâches et missions;
  • réduire nos coûts en nous donnant des services communs si possible;
  • organiser éventuellement un service de transport en commun puisque les déplacements constituent un problème majeur.

Une autre dimension se précise également : celle qui nous amène à agir AVEC les personnes  moins favorisées.

Une triple dynamique AVEC les personnes appauvries.

S’inscrire dans une dynamique AVEC  les personnes appauvries, voilà une attitude pédagogique susceptible de permettre à tous d’entrer dans un processus de changement  qui inclut le SAVOIR (apprentissages cognitifs), le SAVOIR ÊTRE (apprentissages socio-affectifs) et le SAVOIR FAIRE (apprentissages techniques). Cette dynamique est triple :

  1. celle de la prise de conscience personnelle dont le point de départ est souvent une aide ponctuelle qui fournit l’occasion de sensibiliser et de transmettre de l’information pertinente. Un dépannage, un échange à l’accueil, le temps d’un café…peuvent  être de belles occasions;
  2. celle de l’organisation qui permet de passer du « je » au  « nous », donc de l’individuel au collectif. Un projet aussi banal que l’organisation d’une fête ou un autre plus élaboré qui fait appel à la forme coopérative par exemple permettent ce passage toujours enrichissant au plan social;
  3. celle de la transformation des situations grâce à une analyse sociale plus poussée. Les sessions de formation sont un lieu tout indiqué pour aller plus loin et toucher du doigt toute la force du nombre.
  4. 9.    Définir clairement ses plans d’action

Nous sommes en l’an 2 000 et les groupes « Les cuisines de l’avenir », « Écrire pour être lu » et « Regroupons-nous » ont maintenant choisi de s’installer ensemble définitivement, dès que possible, dans une grande bâtisse dans laquelle le groupe « Les cuisines de l’avenir » vient d’aménager comme locataire mais avec l’intention de s’en porter acquéreur si l’occasion se présente. Quant à lui, le groupe d’alphabétisation a obtenu  du ministère de l’Éducation le mandat d’ouvrir un point de service. L’occasion est belle de faire les premiers pas vers la création du mini centre d’éducation populaire dont les trois groupes ont rêvé.

Dans un aménagement quelque peu improvisé car les locaux ne sont pas prêts à loger deux groupes aux activités distinctes, les ateliers débutent tout de même et cela génère un enthousiasme et une énergie des plus stimulants : déplacement de boîtes, de bureaux, de cloisons même, élaboration de plans, mise en commun des ressources, repas en commun, découverte des uns et des autres, entraide et quoi encore. Pleins de petits gestes qui font fleurir l’amitié et la solidarité. Une obligation parmi d’autres s’impose cependant : celle de revoir les plans d’action de chacun des groupes. Et c’est ici que le chemin de traverse subit hélas ses premières avaries. Celles-ci vous seront expliquées plus loin.

Action…réactions.

Dans la mesure où l’objectif que l’on poursuit, non pour soi comme organisme mais pour les personnes qui sont marginalisées et moins favorisées dans notre société, c’est d’abord de leur fournir des outils pour qu’elles transforment leurs conditions de vie, il faut accepter que nos interventions doivent s’inscrire de façon permanente dans un processus de changement. Un changement qui ne survient jamais par enchantement mais à la suite d’une série de gestes, d’attitudes, de décisions préparatoires et favorables. Par exemple :

  • avoir précisé aussi bien le point de départ que le point d’arrivée et cerner le mieux possible les étapes entre l’un et l’autre;
  • obtenir que tous à l’intérieur de l’organisme (salariés, bénévoles, administrateurs, participants et participantes) aient une vision commune du ou des changements recherchés;
  • réussir à éveiller la conscience des responsables par des échanges, des formations, des écrits, des lectures de référence, etc.;
  • avoir mobilisé suffisamment pour s’assurer d’un appui solide aux actions à entreprendre;
  • savoir tenir compte des rôles et des perceptions différents selon la fonction de chacun dans l’organisme : membres du C.A., bénévoles, participants et participantes, nouvelles recrues;
  • prendre conscience de notre façon personnelle de se percevoir et de percevoir les autres;
  • tenir compte des résistances puisque tout changement en génère. Par contre, ces résistances constituent des sources d’information qui méritent d’être approfondies et prises en compte, car elles peuvent ne pas provenir uniquement des individus que l’on côtoie  mais de la cultu-re en place, régionale ou autre, ou des pressions sociales environnantes, visibles ou non.
  1. 10.    Les causes de la résistance au changement

Il peut être utile de se remémorer les causes multiples de la résistance au changement :

  • désir de maintenir le statu quo
  • peur de l’échec et incertitude face aux résultats
  • crainte d’être dépassé ou d’hypothéquer l’avenir
  • perte ou baisse de prestige
  • conflit de personnalité entre celui ou celle qui résiste et celui ou celle qui promeut le changement
  • peur de perdre sa réputation ou son pouvoir
  • dévalorisation parce qu’on n’est pas le promoteur de ce changement
  • choc émotionnel, etc.

Y être attentif, c’est prévenir des blocages inutiles et parfois coûteux. Et puis à quoi servirait-il de jouer à l’autruche  puisque tout processus de changement comporte des risques qui nécessitent une évaluation et une réflexion sérieuses de la part du plus grand nombre possible de personnes impliquées dans la démarche. Question d’éviter d’entreprendre des changements qui, de toute façon, seraient rejetés ou encore  risqueraient de n’aboutir qu’à de l’activisme ou de l’agitation sans résultat. Car, rappelle le comité, il y a deux logiques en jeu dans tout processus de changement : celle de l’acteur et celle de l’action.

  • L’acteur, un groupe d’entraide par exemple, décide d’offrir du dépannage alimentaire dans le but d’attirer les gens dans le besoin et ainsi créer l’occasion de leur proposer différentes activités capables de les amener vers plus d’autonomie.
  • L’action, par contre, si bien intentionnée soit-elle, peut créer une accoutumance, une dépendance même, en restreignant la sphère d’initiatives des individus. Résultat non souhaité et non souhaitable car s’installe un sentiment d’impuissance ou d’incompréhension face à la capacité de certaines de ces personnes à subvenir à leurs propres besoins en alimentation ou à ceux de leur famille.

D’où l’importance, on le  devine, d’être attentif à ce qu’il y ait le plus de concordance  possible entre la volonté de l’acteur et le résultat de l’action. Aussi  trois suggestions à retenir  pour éviter le maximum d’erreurs :

  1. la volonté d’entamer un processus de changement doit être démontrée par l’ensemble du groupe : conseil d’administration, personnel, bénévoles, participants ou usagers. Question de cohérence bien sûr.
  2. il est important de présenter des alternatives possibles. Faire place à l’imaginaire. S’intéresser à d’autres réussites ailleurs et faire ressortir les aspects bénéfiques et attrayants du changement.
  3. passer de l’imaginaire au réel en planifiant et en réussissant certaines actions que l’on célébrera ensuite tous ensemble. Introduire de nouveaux défis graduellement  par la suite.

Ce tableau rappelle les différentes étapes et précautions que nous venons de passer en revue. Un aide-mémoire utile.

II – Réflexion sur les outils développés

  1. Le Théâtre, mise en scène par le groupe en question

Le local dans lequel les groupes sont installés est suffisamment grand pour permettre l’aménagement d’une salle réservée aux activités culturelles : café-rencontre, théâtre, conférences, centre de documentation, etc. Un outil pédagogique que les trois groupes considèrent primordial pour parvenir à offrir un véritable « milieu de vie » aux participants et participantes. Même s’ils vivent dans des villages souvent éloignés les uns des autres et si plusieurs éprouvent des difficultés de transport, le fait de se retrouver à chaque semaine dans un lieu qui leur appartient et qui permet l’expression des différentes facettes de leur personnalité joue un rôle très important dans la valorisation et l’intégration sociale de ces personnes. Pas question de passer à côté de cet aspect, fondamental en éducation populaire!

Même si cette salle n’est encore qu’un croquis sur les plans à ce stade-ci, son existence prochaine ajoute à la dynamique interne et stimule les imaginations. Voilà que les participantes choisissent de célébrer de façon particulière la Journée nationale des cuisines collectives en présentant une « pièce de théâtre » qu’elles auront elles-mêmes conçue et jouée évidemment avec tout le décorum que l’endroit autorise : « portes ouvertes » pour présenter le nouveau local à la population, repas communautaire, activités d’animation, mini exposition. Le tout a nécessité une assez longue préparation et a constitué un excellent outil d’apprentissage aussi bien du français que de la solidarité. Une belle réussiste qui a attiré une quarantaine de visiteurs et laissé une trace indélébile dans les mémoires et sur pellicule vidéo bien sûr.

Cette réalisation souligne l’importance de la dimension du jeu dans la démarche pédagogique de l’appropriation du changement, comme le rappelle le caillou blanc qui suit. Mais auparavant une courte explication des difficultés et blocages rencontrés dans le groupe « Écrire pour être lu ». Tel qu’indiqué précédemment, les écueils sont nombreux sur la route du changement et les contourner requiert une attention de tous les instants et des ressources humaines et financières qui font souvent défaut dans les organismes. Sans parler du temps et des compétences qui ne sont pas toujours disponibles. C’est ainsi qu’une employée a refusé de partager cette vision et a usé,  abusé surtout de son pouvoir sur un certain nombre de participants et sur le conseil d’administration pour faire déraper la démocratie dans ce groupe et en bout le ligne provoquer l’abandon de ce projet par le groupe d’alphabétisation. Une crevasse d’envergure  sur ce chemin de traverse qui en verra d’autres mais surtout une blessure béante dont souffriront inutilement des participantes que la vie n’avait pourtant pas gâtées jusqu’ici.

Tout ou presque par le jeu

Négliger de parler du rôle pédagogique incontournable du jeu serait faire une grave erreur et le Comité s’en est bien gardé. Les humains que nous sommes faisons partie des espèces qui apprennent par le non verbal et le jeu. Ce dernier n’intervient-il pas dans notre vie dès la tendre enfance ? C’est…l’enfance de l’art que de le rappeler mais tout bon traité d’andragogie nous invite à ne pas faire l’erreur d’être sérieux au point d’oublier que c’est dans le plaisir et dans le jeu que nous améliorons le plus nos chances de réussir un grand nombre de nos apprentissages. Même adultes, les multiples formes que peut prendre le jeu nous apprennent aussi bien à développer notre créativité qu’à mieux nous connaître puis à découvrir les autres, à dédramatiser des situations difficiles présentes ou passées, à libérer des peurs et, bien sûr, à prendre la parole.

  1. Conscientiser par le jeu, une expérience proposée par la Table

Partager la joie, la fête, le jeu peut aller jusqu’à faciliter une prise de conscience de notre environnement socio-économique, par exemple, et nous amener à identifier les solutions à notre portée tout en nous permettant de mieux gérer les conflits qui se présentent. Bref, s’en passer ce serait rater une bien belle occasion de  travailler ensemble dans la joie tout en apprenant efficacement.

La Table de concertation sur la faim et le développement social a expérimenté tout particulièrement les ateliers d’exploration théâtrale par le masque. Il s’agissait de faire exprimer aux participants leurs problèmes et leurs rêves derrière des masques qu’ils avaient fabriqués eux-mêmes pour l’occasion. Deuxième étape : sans masque cette fois, dire aux autres les solutions que nous avons trouvées aux problèmes vécus puis faire connaître les projets qu’on a dans la tête. Le but premier est évidemment de permettre aux personnes de se réapproprier ces projets comme leur propre solution à leurs problèmes. Et cela a produit des résultats très intéressants en peu de temps, soit trois rencontres de deux à trois heures chacune.

Note : c’est au Centre St-Pierre, 1212 rue Panet à Montréal / (514) 524-3561, que la Table a fait appel pour ces ateliers/théâtre. Le Centre St-Pierre est un centre d’éducation des adultes bien connu et il peut offrir ce genre d’ateliers ainsi que plusieurs autres à quiconque en fait la demande et ce, à travers tout le Québec. Le Centre a un site web : https://www.centrestpierre.org/

Le jeu comme outil d’apprentissage peut varier à l’infini, mais contentons-nous de nommer quelques-unes des formes qu’il peut prendre :

  • des visites organisées dans des musées, bibliothèques, fermes, etc.
  • la production de jeux de société que l’on s’invente ou que l’on a vu à la télé et que l’on peut adapter;
  • la réalisation d’une vidéo ou d’une bande dessinée sur un thème particulier;
  • des ateliers de créativité par petits groupes de cinq ou six personnes;
  • du théâtre populaire;
  • et quoi d’autre encore, sans compter qu’il existe de nombreux livres, en éducation populaire surtout, qui en proposent d’excellents.

Voilà qui est bien vite dit à propos d’un domaine aussi vaste que celui de jeu lequel fait partie depuis toujours de l’arsenal pédagogique des groupes et organismes. Plusieurs champs d’intervention du milieu communautaire ont imaginé et expérimenté au fil des décennies une vaste et excellente panoplie d’exercices sous forme de jeux de rôle par exemple ou de techniques d’animation. Ce matériel pédagogique, original le plus souvent, est bien documenté, répertorié et toujours accessible8.

  1. Les fiches de renseignement, une expérience proposée par le Comité de pédagogie

Autre moyen : les fiches

Le Comité de pédagogie a aussi expérimenté les «fiches» qui sont en fait de petits documents de format pratique incluant toutes sortes de données souvent fort utiles au moment d’une session, d’un atelier, d’une rencontre de réflexion, du montage d’un sketch et quoi encore. Comme ce sont des fiches, elles peuvent facilement être complétées ou remaniées à partir d’informations nouvelles qui  ne manquent  pas de faire surface et plus rapidement qu’on ne le prévoit parfois. On peut penser à des fiches sur la pauvreté ou sur l’appauvrissement par exemple, qui mettent à la disposition de tous des informations pertinentes et essentielles sur le quartier, le village, la ville, le monde…À des fiches sur les réseaux également. Les réseaux, ce sont tous ces gens qui vivent autour de nous et avec qui nous partageons un idéal, un projet, ou encore qui sont notre parenté, nos amis, nos voisins, les personnes de qui on reçoit des services de toutes sortes. Ces réseaux existent pour les individus comme pour les groupes et c’est toujours utile, voire essentiel, de les bien identifier en en faisant régulièrement la carte par exemple.

Nous sommes tous tant que nous sommes des êtres de réseaux. Nous ne pouvons vivre seuls, à fortiori quand nous avons fait le choix de nous regrouper pour venir en aide à d’autres et construire avec eux un monde meilleur. Un réseau c’est ce cercle dans lequel l’AUTRE a sa place et son rôle à jouer. C’est tout le contraire de l’individu seul et renfermé. Lorsque la personne découvre qu’en groupe on peut réaliser des choses, des projets, que l’on peut se libérer de difficultés qui paraissent insurmontables quand on est seul et isolé, elle saisit  tout le potentiel libérateur  d’une démarche collective de développement social qui n’est autre, il est important de le rappeler, que le développement de la solidarité pour un meilleur épanouissement des individus et de la collectivité.

Bref, il y a quatre incontournables à une démarche de groupe réussie :

  • passer du JE au NOUS ou acquérir une conscience critique qui nous fait opter pour l’action solidaire;
  • agir dans la liberté et le respect des individus. Personne n’est obligé d’adhérer au groupe;
  • développer le goût de rêver, de risquer quelque chose de neuf  car l’approche charitable, aussi généreuse et spontanée soit-elle et quelles que soient les formes qu’elle revête, a trop souvent anéanti le goût du rêve et du changement social aussi bien chez celui ou celle qui  reçoit  que chez la personne donatrice;
  • découvrir la coopération et la solidarité : cela s’apprend dans la confiance, dans les petites réussites accumulées, dans l’espoir qui prend forme quand tout à coup « un autre monde devient possible »

III – Deux actions participantes

  1. 1.    Le chemin de table, projet initié par le Comité de pédagogie du changement

En janvier 2000, le Comité de pédagogie du changement de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain a initié auprès de ses 70 organismes membres une recherche-action sur l’éducation populaire et le développement social intégrée à ses activités. Conviés d’abord à une réflexion globale à l’aide d’un questionnaire portant sur l’évolution de leur intervention et sur leur vision de l’éducation populaire et du développement social, tous les membres de la Table ont pu approfondir, développer et intégrer leurs pratiques éducatives et associatives à partir de leur participation aux rencontres de la table et des bulletins À Table. Finalement, un second questionnaire a permis aux participants de mesurer l’aboutissement de leur réflexion au terme de la démarche collective.

C’est ainsi que 46 organismes membres de la Table ont constitué un répertoire, Le Chemin de table, qui se veut avant tout un outil de liaison et de référence, dont le contenu donne tout son sens au terme réflexion. Il se fait le porteur de l’abondance de la créativité communautaire et sa texture tient de la cohésion manifeste de tous les intervenants qu’il rallie à la cause de la sécurité alimentaire : il projette leur détermination à accompagner les citoyens et citoyennes dans le changement, à l’aide de moyens centrés sur l’accès à leur autonomie, encadrée par la portée et la limite de la réalité communautaire solidaire du développement de leur milieu.

Lors d’une rencontre thématique de la Table sur l’éducation populaire, les membres présents ont convenu de répartir leurs activités éducatives en quatre types d’approche selon les objectifs poursuivis. Mise en évidence par des icones, ces approches ont servi de référence dans la description du programme éducatif des organismes présentés dans ce répertoire. Les voici :

  • Sensibiliser et informer les gens de façon simple sur des sujets d’intérêt commun pour les éveiller à une réalité nouvelle pour eux, dans des activités individuelles ou en groupes. L’individu comprend mieux une situation par des informations et des connaissances souvent transmises verbalement.
  • Instruire les gens et leur enseigner de façon vulgarisée des notions qui pourraient leur être utile ou les intéresser. On utilise des outils documentaires de transmission aux individus pour leur permettre de mieux connaître et maîtriser leur situation avec réalisme.
  • Impliquer et valoriser les gens dans le partage de leurs connaissances avec d’autres, ouvrant à la confiance parce que d’autres comprennent ou vivent les mêmes difficultés et, passant de l’individuel au collectif stimulant, à partir de la mise en commun constructive des acquis et des expériences.
  • Transformer la réalité par des citoyens concernés dans une démarche collective où on analyse ensemble un problème, on identifie une solution avec les ressources nécessaires et où on met en place cette solution. C’est la prise de conscience de la portée de l’action solidaire sur le changement, la clé de l’amélioration des solutions par un cheminement qui se démarque de l’intervention d’aide.

Le Chemin de table est disponible à la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain

  1. 2.         Le développement d’une politique de sécurité alimentaire, projet initié par la Table sur la faim

Ce projet s’inscrit dans une démarche collective amorcée depuis 1986, année de la fondation de la Table. C’est au terme de nombreuses réflexions que la table a décidé en 2002 de mener en collaboration avec ses membres un projet sur l’élaboration d’une politique nationale de sécurité alimentaire qui se situe en deux temps. La conscientisation du problème a permis d’élaborer certains postulats qui ont servi de prémisses à la démarche :

  • La faim est le résultat d’un processus complexe de détérioration sociale, économique et politique;
  • Pour le contrer, il faut mettre en place un autre processus qui inclura tous les acteurs impliqués;
  • Au niveau gouvernemental, un tel processus suppose la collaboration de plusieurs ministères qui, actuellement, fonctionnent en silo et ne voient pas les conséquences sociales de leurs politiques respectives;
  • Au niveau de la société civile, le processus doit impliquer tous les agents qui participent à l’industrie bio-alimentaire, depuis les producteurs jusqu’aux détaillants;
  • Une attention spéciale doit être apportée au monde scolaire et au monde municipal à cause de leur participation importante.

Dans un premier temps : l’objectif de la Table a été de faciliter les échanges d’expertise des organismes et de leurs membres afin que leurs actions s’inscrivent dans un processus de changement, permettant aux personnes d’être actrices de leurs propres choix en matière d’alimentation, de faire partie d’un réseau d’entraide pour favoriser leur intégration socioprofessionnelle  et leur donner les moyens d’agir dans leur milieu. Afin de mettre en commun l’expertise des groupes qui agissent auprès des personnes, six ateliers de travail et de recherche ont été mis sur pied. Au terme d’une fructueuse année de travail, les membres des différents comités ont élaboré une série de propositions, 70 exactement, qui ont trait à la nourriture de qualité dans les groupes d’urgence, au développement des personnes fragilisées fréquentant les comptoirs alimentaires, à la souveraineté alimentaire en milieu scolaire, aux immigrants et au développement social, aux concertations locales et au développement social, aux activités citoyennes dans les différents groupes en sécurité alimentaire.

Par le biais du colloque de la table qui s’est tenu en juin 2003, ces réflexions ont été partagées à l’ensemble des membres partenaires, acteurs du milieux institutionnels, regroupements locaux et régionaux qui y ont apporté leurs suggestions. Les actes du colloque 2003, intitulés : La faim, problème politique – Pour une politique de sécurité alimentaire Partie I : le colloque vous présente la démarche et les résultats avancés.

En second lieu, la Table et ses membres continuent à unir leurs forces pour aboutir ensemble à des solutions concrètes et concertées en sécurité alimentaire et en développement social. À cet effet, cinq des six ateliers mis en place par la table poursuivront leurs travaux en s’alimentant en plus de la précieuse expertise d’autres organisations concernées, telles que celle de la Ville de Montréal et de son département de développement social. C’est ainsi qu’ils enrichiront la politique de sécurité alimentaire en unissant leurs réflexions et recherches, et proposeront un document final dans le courant de l’année 2004.

À suivre…

Conclusion

  1. 1.        Un brin d’histoire

Le changement ne va jamais sans risques, sans résistances et sans victoires ou défaites bien sûr. Ce guide trace un chemin, identifie un processus favorable et des moyens adaptés. Une pédagogie quoi! Après avoir suivi celui emprunté par quelques groupes en région et nous être arrêtés aux différents points  de repère que le comité de pédagogie du changement y a placés, nous vous proposons un bref retour en arrière sur l’histoire récente des changements sociaux au Québec.

C’est avec la Révolution tranquille que s’est amorcée, dans les années ’60, une période de changements dont sont issus les plus beaux fleurons de notre progrès social collectif. On y réfère aujourd’hui comme à une ère d’effervescence et d’audace qui fait encore envie et c’est à ce moment qu’est né, entre autre, le mouvement populaire et communautaire que de nombreuses communautés religieuses ont appuyé et soutenu. Et c’est à cette période que l’on rattache les véritables origines québécoises de l’intervention communautaire : «…une pratique sociale qui tire son  fondement premier de l’affirmation que les problèmes sociaux sont de nature collective et qu’ils doivent faire l’objet de solutions collectives ».9

Vingt ans plus tard, ce même mouvement adoptera une définition de ce qui fait son originalité, l’éducation populaire. Voici la définition telle qu’elle a été adoptée par le MEPACQ (Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec) dans les années ’80 et à laquelle on réfère encore aujourd’hui. « L’ensemble des démarches d’apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens et des citoyennes mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail, et qui visent, à court, moyen ou long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu ».

Un autre vingt ans plus tard, cette transformation sociale qui est au cœur de l’action communautaire est ainsi décrite par Lorraine Guay, une militante de toujours,  dans l’excellent cahier d’histoire et de prospective du mouvement communautaire qu’elle a écrit. La transformation sociale, dit-elle, « c’est un processus par lequel des citoyens et citoyennes (sur une base individuelle) et/ou des groupes (sur une base collective)

    1. identifient des problèmes particuliers au sein de la société (ex : violence domestique, sida, pauvreté, etc.)
    2. analysent ces problèmes à partir de valeurs telles la citoyenneté, le respect des droits humains fondamentaux, la justice sociale, l’équité, la solidarité, etc.
    3. mettent en œuvre les moyens de conscientisation, d’action et de mobilisation pour provoquer, au sein de la société, un changement de valeurs,  de politiques, de lois, d’institutions capable de résoudre les problèmes identifiés et de contribuer ainsi au bien commun ».10

Une des actions citoyennes les plus significatives des dernières années est sans contredit celle du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté, aujourd’hui devenu le Collectif pour un  Québec sans pauvreté (www.pauvreté.qc.ca). Ce regroupement a forcé, outre l’adoption d’une loi anti-pauvreté, l’élargissement du débat sur la pauvreté de façon à y inclure le développement solidaire équitable et la recherche  du bien commun au service de toutes et tous.

Sans cette quête du bien commun, l’humanité ne saurait survivre bien longtemps, aussi vaut-il la peine de s’arrêter un moment sur la définition qu’en donne Ricardo Pétrella : « Le bien commun, c’est la richesse commune, à savoir l’ensemble des principes, des règles, des institutions et des moyens qui permettent de promouvoir et garantir l’existence de tous les membres d’une communauté humaine…Sur le plan matériel, il se structure autour du droit à l’accès juste pour tous à l’alimentation, au logement, à l’énergie, à l’éducation, à la santé, au transport, à l’information, à la démocratie et à l’expression artistique »11.

Actuellement, les tendances lourdes de l’économie de marché nous entraînent dans le sens contraire du bien commun et la montée de la pauvreté en est un des signes les plus évidents. Inverser ce processus, c’est possible, urgent même, et c’est tout à fait dans la ligne de la transformation sociale. Il y a là un si beau risque à prendre pour nous et nos enfants!

Qu’on le veuille ou non, toutes les tentatives pour corriger des inégalités n’aboutissent pas obligatoirement à un résultat satisfaisant. À preuve, celui du Fonds de lutte contre la pauvreté que le gouvernement québécois a mis sur pied dans le sillage du Sommet socio-économique de 1996. Une recherche universitaire (Laval, UQAM, Concordia) publiée récemment en a fait la démonstration dans « Les effets du financement étatique sur les organismes communautaires – le cas du Fonds  de lutte contre la pauvreté ». Peut-être est-il bon de rappeler que le Fonds de lutte contre la pauvreté (première version) a financé des activités partout au Québec entre 1997 et l’an 2000 et ce, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.

Or, la recherche en question a porté sur les investissements du Fond de lutte contre la pauvreté dans deux régions ciblées parce qu’elles sont représentatives de milieux particulièrement victimes de la pauvreté, soit six circonscriptions électorales de Montréal et six MRC de la Gaspésie. En tout, 126 organismes – 63 groupes dans chacune des deux régions – ont participé à cette recherche. Pour la Gaspésie, ce nombre représente  les 2/3 de tous les groupes existants. On y traite donc « d’organismes communautaires » (avec les nuances qui s’imposent selon les régions) ainsi que de cette mesure spécifique qui, en trois ans, a injecté 250 millions de dollars dans ce combat dans lequel nous progressons trop peu si l’on en croit la conclusion de ce travail: « …Le Fonds de lutte contre la pauvreté est décrit (par les répondants) comme une source de financement éphémère, décroissante et qui limite l’embauche à des personnes en insertion…Leur bilan rend plutôt mitigées les retombées dans le milieu pour faire reculer la pauvreté»12.

Résultat peu reluisant et preuve de plus, s’il en fallait une, que nous avons besoin de réviser nos façons de voir et d’intervenir si nous voulons éliminer la pauvreté, réussir collectivement à vraiment transformer notre société de façon durable et progressiste  et même orienter (forcer pourquoi pas!) nos gouvernements dans ce combat. Et gare ici au discours trop facile sur le changement! Pour les organismes communautaires, cela peut vouloir dire avoir le courage de sortir des pistes restreintes et trop étroites qui leur sont souvent imposées — le service direct, si utile soit-il, en est une — et s’orienter vers des activités collectives, porteuses de réel changement social et toujours dans une perspective démocratique. Bref, s’investir dans le développement social et solidaire d’un quartier, d’une MRC, d’une région.

Le beau risque de la transformation sociale, des centaines de milliers de Québécois et Québécoises le prennent chaque jour dans tous les coins du pays. Les exemples apportés dans ce guide n’étaient ni plus ni moins révélateurs que d’autres des espoirs mais aussi des difficultés que suscite toute démarche empreinte d’une volonté réelle de changement au service de l’humain. Quant à deux des groupes rencontrés sur notre chemin de traverse, ils marchent toujours ensemble et on ne peut que souhaiter qu’ils réussissent rapidement à développer ce centre d’éducation populaire qui a nourri leur rêve de départ et les a entraînés dans cette belle aventure du changement.

On peut déceler dans cette démarche trois constantes des projets porteurs de changement :

  • Une volonté commune:
    • de lutter contre la pauvreté et l’exclusion de façon plus efficace;
    • de combattre les préjugés de façon tangible;
    • de mettre en valeur la citoyenneté à tous les niveaux d’intervention.
  • Une démarche concrète
    • dépasser le dépannage ou le service direct par divers moyens et investir dans l’économie sociale et le développement durable;
    • donner priorité à la promotion d’un projet social ayant pour assise des droits égaux pour tous et toutes;
    • intégrer aux apprentissages de formation de base une vision critique de la société et des outils de transformation personnelle et collective;
  • La fierté d’avoir provoqué un certain changement.

Oh, à peine un frisson dans la voile  mais  juste assez pour que le bateau continue d’avancer et donne le goût à plein d’autres de prendre le large.

  • « les Cuisines de l’avenir » loge maintenant dans un édifice bien mieux adapté à sa mission, il a accru ainsi sa capacité d’autonomie et son projet, entre autre, de promouvoir le transfert graduel des jardins communautaires aux communautés locales fait son petit bonhomme de chemin;
  • « Regroupons-nous » est enfin sorti de l’anonymat grâce à une certaine autonomie financière, donnant ainsi droit de cité à la défense des personnes assistées sociales, et il s’insère dans un réseau fréquenté par davantage de personnes démunies;
  • « Écrire pour être lu », jusqu’à ce qu’il quitte le projet, avait réussi à sortir les apprentissages de base de la catégorie des mesures d’employabilité cycliques et à les intégrer dans un projet de développement personnel et social  bien plus respectueux des personnes.
  1. 2.        Changer de regard pour débloquer l’avenir

Comme toujours depuis la nuit des temps, mais dans notre petit monde à nous cette fois, il y eut un soir puis il y eut un matin. Le soir, ce fut l’apparition de la faim chez un nombre croissant d’enfants, de femmes et d’hommes dans notre société riche. Un scandale dénoncé, documenté certes mais gommé en quelque sorte par deux choses :

  • la multiplication rapide à peu près partout au Québec de sources d’approvisionnement bien organisées et gratuites mais si souvent déshonorantes; et
  • par la lenteur à jeter un regard véritablement neuf sur cette triste réalité et sur le genre de système qui en ramène le spectre dans nos murs.

Le matin, par contre, est survenu lorsque des individus, des groupes se sont assis autour d’une même table, dans les villes comme dans les campagnes, pour se pencher sans complaisance sur les causes de ce phénomène puis inviter des pauvres, des victimes, des exclus à faire le récit de leurs problèmes et à proposer les solutions qui leur paraissaient les meilleures. Ces pauvres, et tous les autres pauvres qu’ils représentaient, sont devenus du coup des citoyens, des citoyennes à part entière avec lesquels on allait petit à petit, et dans la dignité, construire un autre monde. Rien de magique cependant car cette intégration citoyenne demeure une conquête quotidienne à réaliser individu par individu, municipalité par municipalité, région par région. Mais le coup d’envoi était donné par une sorte de grand NON à l’injustice doublé d’un OUI au changement dans une perspective de solidarité.

Et on se mit à la tâche en proposant d’abord d’améliorer les outils de lutte à la pauvreté dont plusieurs n’étaient pas nouveaux – les cuisines collectives par exemple – mais dont la pratique s’était éloignée de ses fins premières. En ajoutant de nouveaux moyens comme les Magasins Partage, les groupes d’achat, les coopératives nouveau genre, les maillages avec des producteurs, les réseaux d’éducation populaire et d’intégration sociale et bien d’autres. En créant collectivement de nouveaux moyens  pour lutter contre la pauvreté mais aussi pour l’éliminer du paysage aussi bien québécois qu’universel. L’exemple déjà cité du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté parle de lui-même.

Il en est résulté du travail, beaucoup de travail, mais aussi un projet combien stimulant pour toute la population : un projet collectif de développement solidaire dont les personnes défavorisées peuvent être les principaux artisans AVEC les organismes communautaires et AVEC tous ceux et celles qui choisissent de s’investir dans la construction de cet « autre » monde qui est partout en marche. Une tâche de longue haleine certes mais urgente car le grand inquisiteur, qui est nul autre que le Marché aujourd’hui, s’est introduit comme un cheval de Troie dans nos têtes, notre mode de vie et nos structures et il s’attaque quotidiennement et insidieusement à ce noble projet. Pire encore, les règles que ce même Marché impose aux quatre coins du globe se moquent de la survie de notre planète et pillent ses ressources à un tel rythme qu’elle risque dangereusement de ne plus être viable pour les générations futures. Attention danger car le combat contre cette menace doit dorénavant être intégré à tous nos efforts collectifs.

La partie n’est pas gagnée et la victoire dépend de notre sincérité et de notre volonté à d’abord changer de regard pour vraiment débloquer l’avenir.

Bibliographie

  1. Revue Relations mars 2003, Jean-Claude Ravet
  2. La pratique de l’action communautaire, Lamoureux H., Lavoie J. Mayer R., Panet-Raymont J., PUQ 19966, page 94
  3. Pour un mouvement communautaire citoyen, Guay Lorraine; ROC des Laurentides 1999
  4. Revue Possibles, vol. 27, Robert Jasmin
  5. À nous le politique – Parcours pour une société civile. Michel Beaudin; Guy Paiement. Fides, 2001
  6. La pédagogie des apprimés, Maspéro 1974 et les éditions La découverte, 2001
  7. Pour faire le changement , guide d’analyse sociale; Guy Paiement, éditions Novalis 1990
  8. Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF)
  9. Mouvement populaire et intervention communautaire, continutés et ruptures, Favreau Louis, Ed. du Fleuve/CFP, 1989
  10. Le bien commun, éloge de la solidarité, Petrella Ricardo, Ed. Labor, 1996
  11. Les effets du financement étatique sur les organismes communautaires – le cas du fonds de lute contre la pauvreté, sous la coordination de Yvan Comeau, Ed. Sylvain Harvey, 2002
  12. Répertoire – synthèse des organismes participants de la recherche-action, Dynamique communautaire de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, premier trimestre 2000
  13. Rapport de la recherche-action, Dynamique communautaire de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, premier trimestre 2000     

Dans la même collection – Les Cahiers de la Table

  • No.1.   Construire le pouvoir de la société, (épuisé), De Philippe Herzog
  • No.2.   Le projet québécois de l’employabilité et les organismes sans but lucratif : enjeux et interpellations, (épuisé), De Bernard Normand
  • No.3.   Les finances publiques et nous, (épuisé), d’Yves Séguin
  • No.4.   Le don de nourriture a-t-il un prix? Un questionnement communautaire, De Jean Forest
  • No.5.   L’alimentation et le citoyen, L’urgence d’agir de Marie-Claude Morin

L’auteur

Jean Forest a débuté sa feuille de route en Gaspésie comme professeur. Il l’a poursuivie comme journaliste à Montréal à La presse, pendant 12 ans, comme rédacteur à La Criée dans le quartier Centre-Sud durant un an et comme formateur au Centre Saint-Pierre durant 10 ans. De retour en Gaspésie depuis plusieurs années, il a travaillé en éducation populaire au Collectif Plain de bon sens, un groupe d’alphabétisation, à Droits devant, un groupe de promotion et de défense des droits sociaux et au Comité gaspésien contre l’appauvrissement. 


1 Revue Relations mars 2003, Jean-Claude Ravet

2 La pratique de l’action communautaire, Lamoureux H., Lavoie J. Mayer R., Panet-Raymond J.; PUQ 1996, page 94

3 Pour un mouvement communautaire citoyen, Guay Lorraine; ROC des Laurentides 1999

4 Revue Possibles, vol. 27, Robert Jasmin

5 À nous le politique – Parcours pour une société civile, Michel Beaudin; Guy Paiement. Fides, 2001

6 « La pédagogie des opprimés » Maspéro 1974 et les éditions La Découverte, 2001

7 Pour faire le changement, guide d’analyse sociale; Guy Paiement, éditions Novalis 1990

8 Au Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF) notamment – 110, rue Ste-Thérèse, bureau 101, Montréal (QC) (514) 876-1180; site : www.cdeacf.ca

9 Mouvement populaire et intervention communautaire, continuités et ruptures, Favreau Louis, Ed. du Fleuve/CFP, 1989

10 Pour un mouvement communautaire citoyen, Guay Lorraine; ROC des Laurentides 1999

11 Le bien commun, éloge de la solidarité, Petrella Ricardo, Ed. Labor, 1996

12 Les effets du financement étatique sur les organismes communautaires – le cas du Fonds de lutte contre la pauvreté, Sous la coordination de Yvan Comeau, Ed. Sylvain Harvey, 2002